Tous coparents : dans la loi et dans la réalité du couple ?

Merci aux personnes qui suivent le blog avec assiduité et nous envoient d’intéressants liens vers l’actualité de la résidence alternée.

Aujourd’hui nous allons donc parler de l’émission Tous Co-parents ! animée par Thomas Chauvineau sur France Inter. On y parle des nouvelles manières de faire famille. Que les familles soient recomposées, monoparentales, hétérosexuelles ou homosexuelles.

Quatre invités pour cette émission : Sébastien Bohler, Rédacteur en chef de Cerveau&Psycho, Gérard Neyrand, Sociologue et professeur à l’université Paul Sabatier Toulouse III, Nicolas Favez, Professeur de psychologie clinique du couple et de la famille à l’université de Genève, et Hélène Romano, Psychothérapeute.

Les invités sont auteurs dans un numéro spécial de Cerveau&Psycho

C’est la durée du conflit parental qui nuit aux enfants, pas le mode de résidence

Gérard Neyrand, qui a proposé une intéressante contribution lors des journées d’étude que nous avions organisées en décembre 2020, note comment, au départ, la coparentalité ne concernait que les parents séparés. Maintenant, la coparentalité concerne l’attitude de tous les parents – qui peuvent être de même sexe et qui peuvent être plus de deux dans certains cas – qui coopèrent dans l’éducation et le soin aux enfants. Rappelons son article de 2014 qui fait le point sur la résidence alternée comme un défi de la coparentalité. Des auditeurs et auditrices vont aborder cette question dans la deuxième partie de l’émission.

Le sociologue insiste pour dire que c’est le conflit durable des parents séparés qui est néfaste aux enfants, quel que soit l’arrangement de résidence. Pour lui ce dommage aux enfants n’est pas dû à une question de résidence alternée ou de garde pleine. Ce n’est malheureusement pas l’idée de tous les intervenants qui, sans appuyer leurs propos sur aucune preuve, refusent la résidence alternée en cas de conflit parental.

La répartition des rôles hommes femmes évolue vers un meilleur équilibre

Le journaliste fait remarquer comment l’attribution du soin des enfants à la mère semble s’imposer comme une évidence. Il déplore ainsi que l’on parle d’heure des « mamans » à l’école « maternelle ». Il n’est pas sûr que toutes les écoles nomment ainsi l’heure de la sortie et les intervenants pensent que « école de la petite enfance » serait plus approprié. Plus tard, une auditrice fait remarquer que dans la loi, en France, on parle d’école pré-élémentaire, c’est le langage courant qui n’a pas changé et qui a gardé le terme de « maternelle ».

Les enfants ont besoin d’adultes pour se développer et l’idéal est de ne pas être seul en tant qu’adulte en charge du soin et de l’éducation, précise la psychologue thérapeute. La cohérence et la continuité entre les parents sont importantes mais les pères et les mères apportent chacun leurs capacités et leurs ressources, à condition de les laisser s’exprimer. Elle insiste pour dire que l’enfant a besoin de différences pour grandir.

Elle rejoint en cela des propos que Serge Hefez avait développés dans une autre émission.

Pour elle, certains parents sont perdus dans leurs rôles et ne savent plus que transmettre. Il faudrait garder en tête que chacun doit apporter ce qui correspond à sa personnalité propre et non pas agir en fonction d’une sorte de modèle idéal. De fait, la répartition des rôles peut être variée. Le père n’est pas forcément l’autorité stricte et l’écoute empathique n’est pas réservée à la mère.

De plus, les pères ont l’impression de ne pas toujours être bienvenus dans les lieux d’éducation des jeunes enfants car l’aspect maternel est toujours privilégié, rapporte le professeur de psychologie de l’enfant. Il montre que les pères et les mères sont tous deux capables et opérationnels pour s’intéresser aux jeunes enfants. C’est le poids du cadre social qui construit une espèce de retenue, pour les pères, à s’investir dans le soin aux enfants.

La répartition des tâche ménagères ne semble toujours pas égalitaire et surcharge bien des femmes, note le rédacteur en chef de Cerveau&Psycho. Pourtant les jeunes pères s’investissent de plus en plus dans l’éducation des enfants et dans les taches ménagères, en parallèle à l’entrée des femmes dans des carrières professionnelles autrefois masculines. Se construit ainsi une société plus égalitaire.

Ces nouvelles places ne sont pas forcément faciles à prendre. Il n’est pas évident pour certaines mères de laisser les pères prendre une place dans l’équilibre familial, reprend Nicolas Favez. Heureusement, il y a des cercles vertueux : plus un parent se sent compétent en se voyant encouragé par l’autre, plus il prend de responsabilités et se laisse aller plus facilement à investir ce rôle nouveau.

Pour lui, chaque parent a un rôle de garde-barrière pour laisser l’autre s’engager à devenir responsable et à se sentir apte à s’occuper des enfants. Ce rôle de garde-barrière est pris en compte par les juges comme par les chercheurs américains sous le terme de gate-keeper.

Deux représentations discutables sur la résidence alternée, données comme des évidences

L’émission est intéressante et vaut la peine d’être écoutée. Elle transporte néanmoins deux représentations sur la résidence alternée qui sont dites comme des évidences qui ne se discutent pas.

La première représentation concerne le conflit des parents lorsqu’il dure. Nous avons dit, au début de ce billet, comment le sociologue Gérard Neyrand faisait remarquer que, en cas de conflit durable, ce n’est pas le mode de résidence qui nuit à l’enfant mais le conflit lui-même. Confier la résidence principale à la mère a peu de chance de diminuer l’opposition entre les parents, l’un des parents se sentant dé-responsabilisé et l’autre sur-responsabilisé.

La deuxième représentation concerne la supposée impossibilité de résidence alternée pour les très jeunes enfants. Ce point de vue est contradictoire avec l’encouragement à l’implication des pères dès la naissance qui est soutenue par les intervenants de l’émission. Comment expliquer, qu’au moment de la séparation, la proximité du père devienne accessoire ?

Bien évidemment, cela est compliqué avec des bébés et mieux vaudrait éviter les ruptures parentales. Cependant, même les spécialistes qui ne sont pas favorables à donner une priorité à l’allongement des temps de vie commune entre l’enfant et chaque parent sont favorables à cette alternance de la résidence dès le plus jeune âge lorsque l’enfant connait bien chaque parent. Il reste que, pour les très jeunes enfants, chaque séparation devrait être de courte durée.

Ce défaut de raisonnement est peut-être dû à la confusion faite en France entre résidence alternée et rythme hebdomadaire. Il est certain que de très jeunes enfants ne peuvent pas facilement supporter ce rythme. Heureusement, d’autres rythmes, comme le 2-2-5-5, ont été inventés par des parents attentifs.

L’émission vaut aussi la peine d’être écoutée pour les témoignages des parents. Ainsi une mère qui vit en famille recomposée explique qu’elle est heureuse que ses enfants soient en résidence alternée avec leur père, son ex-compagnon. Elle regrette que cela ne soit pas possible pour les enfants de son actuel compagnon. Comme elle dit : c’est le père alors, bien entendu, il n’a pas obtenu la résidence alternée ; alors ses enfants ne viennent que deux jours par quinzaine, ce qui complique les relations.