Délai de décision de la justice familiale : la France est à la traîne

Comme annoncé dans notre précédent billet, nous allons reprendre et détailler des activités menées en fin 2020. Aujourd’hui, nous nous intéressons aux travaux du groupe d’experts sur les droits de l’enfant dans les situations de séparations, en les éclairant avec les apports des journées d’études organisées avec l’Université Savoie Mont-Blanc.

Bien évidemment, nous ne traiterons dans ce blog que ce qui est du domaine public. Les travaux du groupe d’experts sont au stade des discussions et les résultats ne sont pas encore en vue.

Dans ce billet, nous nous intéressons au délai de réponse de la justice familiale. La question est de savoir de combien de temps dispose la justice pour prendre une décision, notamment en ce qui concerne le mode de résidence de l’enfant et les moyens de contact de l’enfant avec ses parents, une fois que ceux-ci ont décidé de se séparer.

La plupart des pays fixent des délais à la justice familiale

Quand on analyse les lois des pays faisant partie du Conseil de l’Europe, on s’aperçoit que la plupart des pays fixent une durée maximum à la justice familiale avant de prendre une décision quant au devenir des enfants après séparation.

L’Espagne, la Belgique, l’Andorre, la Croatie, la Serbie ou l’Ukraine, par exemple, doivent traiter le dossier de séparation en moins de 30 jours. D’autres ont des délais plus longs, comme la Norvège ou la République Slovaque.

Quelques pays ne fixent pas de délais mais précisent dans la loi que les séparations concernant des mineurs, doivent être traitées en priorité. C’est le cas de l’Allemagne, de l’Islande, de la Finlande ou de la Suède.

En Suède, les statiques officielles montrent que, en moyenne, les juges donnent leur décision en 6 mois en ce qui concerne les divorces et en 8 mois en ce qui concerne les modes de résidence des enfants.

En Belgique, les décisions judiciaires relatives aux résidences séparées des enfants ou à l’autorité parentale sont considérées comme des causes réputées urgentes. Ces situations, et notamment toutes les mesures qui concernent les enfants mineurs, doivent normalement être introduites au plus tard dans les 15 jours. Dans les faits, cela prend environ 3 semaines après le dépôt de la requête car les enfants sont auditionnés dans ce délai.

En tout état de cause, lorsque, après une requête, le juge doit se prononcer sur un divorce accompagné de mesures pour les enfants, la décision est prise très vite concernant les mesures provisoires pour l’hébergement, même si le divorce en lui-même n’est pas une cause réputée urgente.

A l’audience d’introduction, le cadre souhaité pour les enfants est déjà discuté. Comme la comparution des parties est obligatoire à toutes les audiences relatives aux enfants, les parents en personne sont entendus pas le juge dès la première audience.

Si les parents ne s’accordent pas sur un cadre provisoire, le juge prend une décision, à tout le moins provisoire, et peut envoyer les parents devant la chambre de règlement amiable. Le juge peut statuer immédiatement sur le divorce, s’il existe des éléments objectifs probants montrant que le divorce est irrémédiable (des faits de violence ou de relation extra conjugale, par exemple).

En fonction de l’urgence le juge statue en délibéré et prononce son jugement dans un délai d’un mois au plus. Rappelons que les juges des tribunaux de la famille et de la jeunesse belges ne travaillent pas sur instances, comme les JAF en France, mais suivent leurs dossiers, comme les JE en France.

La France ne fixe pas de délai

En France, il n’y a pas de délais contraints en matière de procédures relatives à l’exercice de l’autorité parentale. Ce n’est qu’en cas de violences conjugales qu’une ordonnance de protection, visant à assurer la protection de la partie demanderesse et de ses enfants, doit être rendue dans le délai de 6 jours à compter de la fixation de la date d’audience.

Les statistiques accessibles sont celles de 2014. Elles indiquent des délais moyens de 2 ans pour les procédures de divorce, quand il n’y a pas consentement mutuel.

Il n’y a pas de données concernant la fixation de la résidence des enfants. Seules sont observées les procédures de fixation de l’autorité parentale. Leur durée moyenne est de 13 mois.

La France, avec de tels résultats, se situe dans le même groupe de pays que l’Azerbaïdjan, la Bulgarie, Chypre, la Grèce ou la Moldavie.

La marge de progrès est donc considérable pour l’organisation de la justice familiale en France. Car il ne s’agit pas, ici, d’accabler les juges, quand bien même les statistiques du ministère sont fondées sur leurs décisions individuelles. C’est bien l’organisation du système judiciaire, dans son ensemble, qui est en cause.

C’est ce système de la justice familiale qu’il faudrait améliorer de manière à faciliter la médiation, la coopération entre les parties, et une meilleure prise en compte de l’intérêt et du bienêtre des enfants.

En matière de justice familiale, il faut pouvoir aller vite

Certains pays ont bien compris que la justice de la famille et de la jeunesse ne peut pas fonctionner comme les autres. Dans ce blog, nous avons vu que c’est le cas en Belgique qui a créé un tribunal spécial pour les questions touchant aux mineurs, y compris la séparation des parents.  D’autres pays sont sur la même ligne.

Pour ces pays, il est essentiel que les organismes agissant en relation avec les enfants tiennent compte de l’écoulement du temps dans le cas d’un enfant, qui est sensiblement différent de l’écoulement du temps dans le cas d’un adulte.

La durée de la procédure, si elle est trop longue, peut avoir de graves conséquences pour un enfant. Un enfant, par exemple, peut être complètement coupé d’un parent avec lequel il n’a pas de relations personnelles suivies et régulières en attendant la décision de justice. Celle-ci aura alors tendance à valider la situation qui s’est installée dans la durée du fait d’un long délai de réponse du système judiciaire.