Revue du Droit de la Famille : dossier spécial sur la résidence alternée

La Revue du Droit de la Famille a publié cet été un dossier spécial sur la résidence alternée. Le dossier comprend trois articles, plus la présentation du Conseil International sur la Résidence Alternée (CIRA), la traduction choisie pour International Council on Shared Parenting (ICSP).

La présentation du CIRA reprend l’organisation du conseil, ses buts et ses activités. Elle résume les conclusions de la conférence de Strasbourg 2018. Elle annonce la prochaine conférence à Vancouver qui explorera les intersections entre résidence alternée et violences domestiques.

Nous ne détaillons pas ces éléments que vous pouvez trouver dans les pages du blog.

Ce billet concerne le premier article dans lequel Michel Grangeat fait le point sur les recherches et les pratiques concernant la résidence alternée.

La résidence alternée : de plus en plus fréquente, à tout âge

Les données les plus récentes viennent de l’étude de l’INSEE qui montre qu’entre 2010 et 2016, la proportion d’enfants vivant en résidence alternée a doublé par rapport à la population totale. L’accroissement est donc encore plus grand si l’on compare à la population des enfants de parents séparés mais les chiffres ne sont pas disponibles.

Nous avons détaillé dans un précédent billet cette étude dont les graphiques peuvent conduire à des erreurs d’interprétation.

L’intérêt supérieur de l’enfant : garantir la sécurité du lien aux parents

Le besoin de sécurité de l’enfant a parfois été compris comme le besoin de permanence du lieu de vie, le besoin d’avoir la même chambre et la même personne en charge du soin. Cela a poussé à confiner les mères dans le rôle de gardienne des enfants et de cheffe de foyer monoparental en cas de rupture. Cette sécurité affective est essentielle mais elle ne repose pas que sur une personne.

Michel Grangeat pointe que les travaux actuels montrent que le sentiment de sécurité de base est nourri par les interactions avec plusieurs personnes, dans des contextes variés et avec des routines quotidiennes. En plus du besoin de sécurité, un consensus existe pour reconnaître d’autres besoins vitaux : le besoin d’expériences et d’exploration du monde, le besoin d’un cadre de règles et de limites, le besoin d’identité et le besoin d’estime et de valorisation de soi.

Lien d’attachement : préserver l’équilibre entre les parents

Michel Grangeat note que les théories actuelles montrent que les bébés construisent plusieurs liens d’attachement en parallèle. Ces liens permettent la sécurité affective et l’exploration du monde. Chaque parent, selon les moments, le caractère des parents ou l’âge de l’enfant représente un soutien privilégié au développement d’un de ces liens. La sécurité affective n’est pas limitée à la mère ni l’exploration au père.

Les recherches de Fabien Bacro, à Nantes, montrent que préserver la qualité de la relation au père est très important. Ce lien est nécessaire pour construire l’estime de soi et, ainsi, pour mieux assurer la réussite des apprentissages. Il ressort des enquêtes que la vie en résidence alternée protège ces liens.

Transitions : les enfants préfèrent bouger plutôt que de perdre le lien à un parent

Dans ce blog, nous avons déjà montré que le nombre de transitions était le même pour l’arrangement dit « classique », avec une alternance 12-2, que pour la résidence alternée. La difficulté pour les enfants et le parent non-résident vient que, dans le premier cas, le déménagement ne dure que 2 jours ; ce qui crée beaucoup de tracas et de frustrations.

Michel Grangeat précise que la résidence alternée ne se limite pas à une alternance hebdomadaire. Des parents ont trouvé un arrangement dit « 2-2-5-5 » qui permet de rester 5 jours de suite avec un parent et de conserver des jours de semaine identiques dans chaque maison.

Il rapporte les recherches qui montrent que si des enfants sont gênés par le fait de changer de maison tous disent qu’ils sont, avant tout, satisfaits de conserver le lien avec leurs parents.

Les témoignages des parents et des enfants que nous avons rapportés dans ce blog vont dans ce sens.

Coopération des parents : la coparentalité est favorisée par la résidence alternée

Michel Grangeat met en avant que la coparentalité, inscrite dans la loi de mars 2002, peut difficilement se mettre en place quand un parent est en charge de la vie quotidienne toutes les semaines alors que l’autre ne rencontre ses enfants que deux jours par quinzaine, qui plus est le week-end. La relation s’effrite et, souvent, le père disparaît de la vie de l’enfant. Il cite un rapport de l’UNAF qui fait état de ce constat préoccupant.

Pour éviter ces conséquences délétères pour les enfants, une solution est d’étendre au maximum les temps passés avec chaque parent. Établir des plans parentaux peut alors aider à aménager la vie quotidienne.

Adaptation de la justice : mieux prendre l’avis des enfants

Michel Grangeat rappelle les principes de la Convention Internationale des Droits de l’Homme qui sont une référence du monde législatif et judiciaire. Ces principes visent à promouvoir l’idée que l’enfant est acteur de sa vie.

Or, en France, la loi est plutôt ambiguë sur les modalités d’audition de l’enfant, en ce qui concerne sa vie après la rupture entre ses parents. L’enquête de Blandine Mallevaey montre que, de fait, les pratiques judiciaires sont très disparates sur le territoire. Ce qui est contraire au principe d’égalité devant la justice.

Comme la responsable de cette enquête, Michel Grangeat appelle à la création d’un tribunal de la famille. Le Danemark vient de créer un tel tribunal, de manière à mieux traiter le cas des enfants dont les parents se séparent.

Prendre en compte les nouvelles familles

Les compositions familiales évoluent. Il est temps de renouveler les lois et les pratiques de la politique familiale.