La commission des lois auditionne sur la PPL 307

Nous avons appris lundi que nous pouvions être auditionné.es mardi par « la commission des lois de l’Assemblée Nationale de la proposition de loi relative au principe de la garde alternée des enfants. » Nous avons, bien évidemment, bousculé notre agenda pour répondre à cette invitation.

AuditionNov17Nous avons rencontré le groupe de député.es dirigé par Vincent Bru, rapporteur de la proposition de loi. La rencontre a duré plus d’une heure, dans une ambiance d’écoute sérieuse et intéressée.

Qu’avons nous dit et quelle est notre impression à la sortie ?

Maintenir les liens de l’enfant avec ses deux parents.

Chantal Clot-Grangeat présente ce qu’elle retire de son travail de clinicienne et de vice-présidente du CIRA/ICSP.

En tant que clinicienne, elle rencontre des familles et des enfants en difficulté, dans des familles unies ou séparées, dans des situations de résidence alternée ou pas. Elle n’en conclut pas que la résidence alternée serait nuisible ou bénéfique car, dit-elle, « mon échantillon est biaisé puisque, de part le métier de thérapeute, je ne reçois dans mon cabinet que les familles ou les enfants en souffrance. »

Elle présente ensuite le CIRA/ICSP et son organisation en trois collèges (scientifiques, professionnels de la famille, société civile).

Elle insiste sur le fait que, dans le contexte de séparation, les enfants ont souvent un sentiment d’abandon. Ce sentiment devient une dure réalité pour les 20 % qui ne voient jamais leur père. Ce constat est également rapporté dans le récent avis du Conseil Économique Social et Environnemental (CESE).

Elle rappelle que les recherches montrent que la résidence alternée égalitaire permet significativement le maintien des liens de l’enfant avec ses deux parents.

Équilibrer la durée des interactions avec chacun des deux parents

Michel Grangeat présente les travaux sur les effets du contexte familial sur la vie et le parcours des enfants, notamment dans le cadre de leur scolarité.

L’étude de la DEPP (2012) montre que les adolescents de foyers monoparentaux sont désavantagés par rapport aux autres, à niveau culturel et social égal. Les études rapportées dans le récent avis du CESE vont dans le même sens (voir notre billet du 19 octobre 2016).

Il appelle à prendre des précautions avec les premières études, dans les années 1990-2000, qui comportaient des erreurs méthodologiques, notamment d’échantillon. Certaines, comme celles de McIntosh ou de Solomon, portaient largement ou uniquement sur des couples très défavorisés (voir le billet du 8 février 2017).

Il rapporte les résultats des recherches de ces dix dernières années, bien connus des lecteurs de ce blog.

Il insiste sur celle portant sur 3600 enfants à l’école maternelle qui montre qu’en interrogeant parents et enseignants, on conclut aux bénéfices de la résidence alternée égalitaire pour le bienêtre des enfants (voir le billet du 11 octobre 2017).

Les modalités de résidence alternée sont variées

Chantal Clot-Grangeat précise alors ce que l’on entend par résidence alternée, qui n’est pas forcément, dans un premier temps, égalitaire. Elle ne se limite pas nécessairement à l’alternance de deux semaines pleines (voir le billet du 9 novembre 2016).

Elle précise aussi ce que l’on sait du rôle du conflit des parents et de l’effet de l’âge des enfants (voir le billet du 8 novembre 2017). Elle met l’accent sur la recherche de William Fabricius qui porte sur les jeunes adultes dont les parents avaient divorcé quand ils étaient bébés. Les jeunes qui ont vécu en résidence alternée égalitaire ont un rapport équilibré à leurs deux parents alors que ceux qui ont vécu en résidence pleine ont du ressentiment pour les deux parents, notamment leur mère (voir le billet du 18 janvier 2017).

Elle pointe que, en dehors des situations de violence aux enfants, seule la distance géographique entre les foyers des parents est un critère de refus de la résidence alternée.

Les récentes décisions des Cours d’appel privilégient l’exercice de la coparentalité au quotidien

Michel Grangeat rapporte alors ses études en cours sur les récentes décisions des cours d’appel. Il montre que ces juges privilégient le principe de coparentalité, même en cas de mauvaise coopération des parents ou pour les jeunes enfants. Ici encore, seul reste la critère d’éloignement des deux foyers parentaux (voir le billet du 18 octobre 2017).

Chantal Clot-Grangeat conclut en indiquant que la proposition de loi peut représenter un pas en avant mais qu’elle craint que rien ne change pour les enfants en ce qui concerne le maintien du lien à ses deux parents (voir le billet du 25 octobre 2017). Elle insiste sur la volonté dont le législateur devrait faire preuve pour mieux préserver les droits fondamentaux de l’enfant dans les situations de rupture du couple parental (voir le billet du 5 juillet 2017).

Le débat qui a suivi a été intéressant. Il en ressort que les craintes précédentes sont vraisemblablement justifiées.

A moins que les député.es ne soient mobilisé.es pour prendre en considération les modalités de la résidence des enfants. En effet, c’est la durée de vie des enfants avec chacun de leurs deux parents qui, pour eux, ferait une différence.