Proposition de loi 307 : conflit parental, âge des enfants et jurisprudence

Nous poursuivons le point sur la proposition de loi 307 relative à la résidence des enfants dont les parents sont séparés (voir nos billets des 25 octobre et 1° novembre 2017).

Cette semaine nous rappelons, de manière synthétique, les résultats de recherche à propos de deux obstacles qui bloquent souvent la réflexion: le rôle du conflit des parents et les effets de l’âge des enfants dans les conséquences de la séparation du couple parental.

Ces résultats de recherche concordent avec de récentes décisions de Cour d’appel. Les critères utilisés par ces juges pour décider de la résidence des enfants mettent en évidence l’esprit de la loi actuelle qui privilégie le principe de coparentalité.

Cette synthèse et ces jurisprudences peuvent servir de point d’appui pour améliorer la proposition 307.

La question du conflit et de la violence dans la famille

Les cas de violences ou d’abus avérés sur l’enfant doivent interdire la résidence chez le parent violent. Il est très difficile, et même plutôt impossible, d’envisager autrement ce sujet. Cependant, il est clair aussi que ces cas sont vraisemblablement minoritaires et donc que, dans un premier temps, il faut envisager la résidence des enfants dans le cas général (voir notre billet du 15 février 2017).

Cependant, quand on parle de conflit, on confond souvent de réelles situations de violences, physiques ou morales, avec de simples discordes ou des procédures judiciaires tout à fait légales. Le rôle des conflits entre les parents est souvent exagéré du fait de la logique des procédures judiciaires (voir nos billets des 9 mars 2016 et 3 mai 2017).

Le niveau de conflit entre les parents n’a jamais été défini et, de ce fait, il est utilisé selon leurs convenances par les différents protagonistes de la politique familiale. Le conflit sert d’arme devant les juges pour certains parents qui cherchent à l’augmenter et à en tirer profit à leur propre compte.

Le conflit n’est jamais bénéfique aux enfants mais il n’est pas forcément destructeur. Le conflit peut en effet se fonder sur le désir sincère d’un ou des parents d’agir pour le bien des enfants. De plus, il s’atténue souvent avec le temps, les débuts de la séparation étant souvent plus conflictuels.

Si le conflit est insoluble, les parents peuvent s’organiser de manière parallèle. Par exemple, le moment de transition peut se caler sur le temps de l’école ou utiliser un autre lieu tiers.

Le conflit des parents n’est donc pas être un critère pour bloquer la résidence alternée et empêcher les enfants de rencontrer leurs deux parents de manière fréquente et régulière.

Ce résultat des recherches est à la base de récentes décisions de Cour d’appel. Pour ces juges de Cour d’appel, privilégier le bienêtre de l’enfant et le principe de coparentalité conduit à décider de la résidence alternée, même si les parents sont en conflit ou communiquent mal (voir nos billets des 27 septembre, 4 et 18 octobre 2017).

La question de l’âge des enfants

La résidence alternée pour les très jeunes enfants exige des modalités adaptées mais elle reste souhaitable. Les recherches les plus récentes montrent clairement que le bienêtre des jeunes enfants qui vivent en résidence alternée est de même niveau que celui des enfants de familles unies (voir notre billet du 11 octobre 2017). Ces recherches montrent aussi qu’à l’âge adulte, ce mieux être leur permet de maintenir des relations équilibrées avec leur père et leur mère (voir notre billet du 18 janvier 2017).

Certes, en France, quelques pédopsychiatres font état de la situation de leurs patients et se réfèrent à des théories anciennes sur l’attachement premier à la mère pour refuser la résidence alternée aux jeunes enfants. Ces manières de voir ne sont pas partagées par tous les praticiens et les scientifiques (voir nos billets des 30 mars 2016 et 15 mars 2017).

De plus, la politique de santé ne peut pas être réglée par quelques cas particuliers. C’est ce qui se passe ordinairement et cela devrait jouer pour la résidence des enfants des parents séparés (voir nos billets des 30 novembre 2016 et 8 février 2017).

L’âge des enfants ne peut donc pas être un critère pour les exclure de la résidence alternée.

Ici encore, plusieurs décisions récentes de Cours d’appel vont dans ce sens (voir nos billets des 27 septembre, 4 et 18 octobre 2017).

Les juges estiment que les enfants « pour se construire harmonieusement malgré la séparation de leurs parents, doivent pouvoir entretenir avec chacun d’eux des relations régulières et équilibrées, de nature à leur permettre de bénéficier des apports de nature différente mais complémentaire que chacun peut leur procurer. »

Ces juges rappellent que « le droit de l’enfant d’entretenir des liens avec ses deux parents est protégé par l’article 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 ratifiée par la France. »

Ces juges s’inscrivent dans la même veine que la résolution de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe qui préconise que « seules des circonstances exceptionnelles et particulièrement graves au vu de l’intérêt de l’enfant devraient pouvoir justifier une séparation, ordonnée par un juge » (voir notre billet du 6 janvier 2016).

Souhaitons que, lors des débats parlementaires, la proposition de loi soit renforcée dans ce sens.