La résidence alternée : s’installe-t-elle dans les pays occidentaux ?

Nous poursuivons et terminons notre présentation du dossier Résidence Alternée proposé par la Revue du Droit de la Famille. L’article de Guillaume Kessler, un enseignant chercheur de l’Université Savoie Mont Blanc compare les législations de différents pays.

Cet article fait suite à celui que nous proposons sur l’état des recherches et à celui de Caroline Siffrein-Blanc qui montre les écarts dans les décisions de justice selon l’interprétation de l’intérêt de l’enfant ou l’importance relative entre les divers critères de décisions.

Guillaume Kessler note que de plus en plus d’États s’appuient sur le principe de coparentalité et favorisent la résidence alternée.

Le principe de coparentalité est une base

La plupart des États occidentaux adoptent un principe de coparentalité tel que celui qui est inscrit dans la loi française du 4 mars 2002. Ce développement correspond aux changements de la société : d’une part, les mères poursuivent des carrières professionnelles et, d’autre part, les pères s’impliquent dans les tâches d’éducation et de soin aux jeunes enfants. Il y a, aussi, volonté de pacifier les relations dans la famille après rupture du couple parental.

Guillaume Kessler note également une influence croissante des législations internationales telles que la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.

Le chercheur met cependant en garde. La coparentalité se résume souvent au partage de l’autorité parentale, sur le plan légal, alors que le partage de la résidence de l’enfant peine à se mettre en place dans les lois. Les tribunaux continuent de privilégier la garde par la mère. Les stéréotypes de partage des rôles parentaux sont encore vifs, en France, aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, par exemple.

Il note que de plus en plus d’États cherchent à modifier cette tendance en encourageant la résidence alternée.

La loi peut développer la résidence alternée

Le chercheur indique que des pays ou des provinces comme l’Alberta et la Colombie-Britannique, au Canada, la Nouvelle-Zélande, la Suède ou le Royaume-Uni ont modifié leur législation pour soutenir le choix de la résidence alternée.

Une démarche encore plus volontariste est pratiquée en Belgique. Ici, il ne s’agit plus pour un parent de devoir démontrer le bienfait de la résidence alternée pour convaincre le juge du bien-fondé de ce système mais plutôt, si un parent s’y oppose, d’apporter les preuves qu’il ne correspond pas à l’intérêt de l’enfant.

Cette présomption s’impose dans plusieurs États, comme le Kentucky ou l’Arizona, aux États-Unis. L’Australie va dans le même sens : les parents et les juges doivent chercher un arrangement qui permette une répartition égale du temps, ou à défaut, qui garantisse un temps substantiel et significatif avec chacun.

Très récemment, le Danemark a renforcé cette tendance. Les parents ont à tester la résidence alternée durant le temps des procédures judiciaires et doivent suivre un cours sur la coparentalité afin de comprendre les enjeux des décisions qu’ils vont prendre pour organiser la vie de leurs enfants.

Changer la terminologie pour privilégier la coparentalité

La dérive de ces législations serait d’instaurer une répartition systématique 50-50 du temps de l’enfant, sans tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant « concret », celui concerné par la décision de justice. Des États, comme l’Illinois, ont donc modifié les terminologies pour mettre en avant la coparentalité et ses devoirs : plutôt que de parler de résidence on fait référence au « temps de parentalité ».

Les accords parentaux sont alors un dispositif à privilégier. La répartition du temps de parentalité qui permet à l’enfant de conserver ou de renforcer des liens avec les deux parents est plus facile à trouver quand les parents adhèrent à ce principe et sont encouragés à aller dans ce sens.

Ce système des plans parentaux est mis en place par de plus en plus d’États, tel la Norvège. Ces États ont mis en place des dispositifs de médiation ou d’accompagnement des parents afin de les aider à apaiser leurs relations et à favoriser un consensus tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Les pratiques parentales soutiennent la résidence alternée

Sans que la loi change immédiatement, les pratiques de parents peuvent infléchir la tendance traditionnelle. En France, comme ailleurs, elles vont dans le sens d’un développement de la résidence alternée pour toutes les tranches d’âge.

Guillaume Kessler note que les pratiques suivies au cours de la vie commune vont orienter la construction de la modalité mise en place après rupture du couple. Il cite l’exemple de la Suède où la norme est au partage des responsabilités parentales dès la naissance de l’enfant. La résidence alternée n’est alors que la continuation de ce partage.

Il préconise de sortir de la répartition traditionnelle des rôles dans le couple en s’appuyant, d’une part, sur ce qui se passe dans les familles homoparentales et, d’autre part, sur l’extension des congés paternité. Il met en exergue les législations qui alignent la durée des congés paternité sur celle des congés maternité, comme en Espagne, en Suède, en Islande ou en Autriche.

Guillaume Kessler conclut en suggérant de développer la responsabilisation des parents qui devraient se voir comme des associés chargés d’assurer le bon développement de leur enfant.

Cet article s’inscrit dans les perspectives que nous avons souvent tracées dans ce blog.