Audition de l’enfant devant le juge aux affaires familiales

Blandine Mallevaey, Titulaire de la chaire « droits et intérêt supérieur de l’enfant » à l’université catholique de Lille publie le rapport final d’une recherche qu’elle a dirigée sur l’audition et le discernement de l’enfant devant le juge aux affaires familiales. Cette recherche a été réalisée avec le soutien de la mission de recherche Droit et Justice.



Blandine Mallevaey est co-signataire de l’appel à renouveler la loi famille que nous avons publié dans le journal Le Monde.

Cet appel est également signé par Gérard Poussin, Serge Hefez, Luis Alvares et Chantal Clot-Grangeat (spécialistes de psychologie de l’enfant), par Caroline Mécary, Guillaume Kessler et Caroline Siffrein-Blanc (spécialistes du droit de la famille) ainsi que par Michel Grangeat (spécialiste de sciences de l’éducation).

Nous appelons à ce que la loi stipule que l’intérêt de l’enfant, à notre époque et dans la plupart des cas, consiste à passer le plus de temps possible avec chacun de ses parents, après rupture du couple parental.

Le rapport propose 55 recommandations pour améliorer la participation de l’enfant aux décisions judiciaires le concernant au sein de sa famille.

L’enfant a le droit d’être consulté sur son intérêt supérieur

Le rapport de la recherche dirigée par Blandine Mallevaey s’appuie sur la Convention Internationale des Droits de l’Enfant et son article 12. Cet article 12 était au coeur de la conférence CIRA/ICSP de Strasbourg et de ses conclusions. Le rapport de recherche ajoute que le Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies insiste sur l’idée que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être établi en consultation avec l’enfant.

Le même principe est repris dans la loi française de 2002 qui stipule que les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent. En effet, l’autorité parentale a pour but d’amener l’enfant à pouvoir se diriger lui-même dans la vie. La place de l’enfant devient donc très importante.

Lorsque les parents portent les questions familiales devant la justice, l’audition de l’enfant est alors requise.

Tous ces textes précisent que cette participation de l’enfant dépend de son âge et de son discernement.

Des pratiques judiciaires contradictoires

De graves difficultés surgissent du fait que le discernement n’est pas défini par la loi. Il n’existe d’ailleurs pas de définition clairement applicable en psychologie ou en droit. Les juges doivent donc estimer la capacité de discernement de l’enfant pour l’auditionner ; donc, avant de le rencontrer.

En pratique, note l’équipe de recherche, cette imprécision et cette contradiction génèrent de multiples dérives. Les pratiques observées sont alors parfois en contradiction avec le texte de loi, certaines juridictions se fondant sur l’âge de l’enfant, d’autres écartant toute audition de l’enfant lorsque les parents sont d’accord sur un arrangement.

Des recommandations pour améliorer la situation

Parmi les 55 recommandations, nous relevons :

L’enfant de plus de 10 ans devrait être présumé capable de discernement (n°4). Partir d’un âge défini par la loi permettrait d’harmoniser les pratiques sur tout le territoire. Il s’agirait d’une présomption simple pouvant être réfutée par d’autres éléments de la situations (n°5).

Tous ces enfants devraient être informés individuellement de leur droit à être auditionné et à être assisté d’un avocat (n°10). L’avocat devrait être désigné par le bâtonnier parmi les membres du groupe de défense des mineurs (n°32).

Le refus d’auditionner devrait faire l’objet d’une motivation spéciale, fondée sur l’absence de discernement (n°6).

L’enfant jeune pourrait être auditionné par le juge estimant ce dernier capable de discernement sur la question en jeu (par exemple, son lieu de résidence) (n°7).

L’audition de l’enfant pourrait être réalisée en suivant une trame diffusée par circulaire du Garde des Sceaux (n°42).

Le compte rendu écrit de l’audition de l’enfant devrait être complété par un échange à l’audience, entre le juge et les parents, sur les sentiments et les besoins exprimés par l’enfant lors de son audition (n°50).

Les fonctions de juge aux affaires familiales devraient être spécialisées de façon à ce que ces juges soient formés à l’exercice de leur fonction et notamment au recueil et à l’écoute de la parole de l’enfant (n°55).

Une transposition possible pour la fixation des modalités de résidence

De notre point de vue, certaines de ces recommandations pourraient être transposées pour apporter des améliorations dans les procédures de décision des modalités de résidence de l’enfant.

– Fixer comme présomption simple un temps de résidence de l’enfant à égalité chez les deux parents.

– Justifier spécialement le refus de ce temps de résidence égal.

– Harmoniser les procédures des tribunaux par une trame diffusée par circulaire ministérielle.

– Transformer la fonction de juge aux affaires familiales pour faciliter le suivi des dossiers.