La santé mentale des adolescents en France : l’impact de la séparation du couple

Le ministère de la santé et des solidarités vient de publier les résultats de l’édition 2017 de l’enquête nationale de santé scolaire, menée en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale. L’enquête, par questionnaire, s’est intéressée à la santé psychique des élèves de classe de troisième, en relation avec différents facteurs dont la structure familiale.

Cinq dimensions de la santé mentale ont été explorées en s’appuyant non seulement sur le ressenti des élèves mais également sur leur comportement : détresse psychique, qualité du sommeil, comportement alimentaire, blessures cutanées auto-infligées et comportements suicidaires.

Une répartition des adolescents en six groupes

En fonction des différentes dimensions de la santé mentale, les adolescents sont répartis en six groupes, allant du meilleur état de santé mental au plus mauvais. Le rapport indique que la très grande majorité des élèves de troisième (87%) se répartit à parts égales entre ceux qui ont une très bonne santé mentale (44%) et ceux qui connaissent un mal-être modéré (43 %).

Il n’empêche qu’il reste une part non-négligeable (13 %) de jeunes qui ont une santé mentale plutôt mauvaise, dégradée pour 8 % d’entre eux et très mauvaise pour les 5 % restants.

Ces deux groupes des adolescents ayant une santé mentale plutôt mauvaise se ressemblent : surreprésentation des filles, moins de familles nucléaires, moins bonne hygiène de vie, davantage de consommations de substances psychotropes, atteintes subies plus fréquemment, plus d’absentéisme scolaire.

Les autres groupes ont des caractéristiques inverses : équilibre filles-garçons, plus de familles nucléaires (surreprésentées dans le groupe ayant une très bonne santé mentale), pas de consommation d’alcool, etc.

Filles et familles séparées sont sur-représentées dans le groupe en santé mentale mauvaise

Le sexe et la composition de la famille ont un effet sur la santé mentale des adolescents.

Les filles ont plus de probabilités d’appartenir aux deux groupes en difficulté.

Les familles séparées sont également surreprésentées dans ces deux groupes. Vivre dans une famille recomposée ou appartenir à une famille monoparentale est plus courant parmi les adolescents ayant une mauvaise santé mentale.

Que faire de ces résultats ? Rien n’est dit dans le rapport de la DRESS dont ce n’est vraisemblablement pas la mission. Mais tentons d’aller plus loin que les catégories et les chiffres de l’enquête.

Pour l’INSEE, une famille monoparentale est formée d’un parent habitant sans conjoint avec son ou ses enfant(s) dans la même résidence principale. Le plus souvent il s’agit de la mère (85%). Ces familles monoparentales représentent 18 % du total des familles et les familles recomposées en représentent 11 %, selon l’enquête publiée en janvier 2020. Près de 80 % des familles monoparentales sont issues d’une séparation.

La catégorie « famille monoparentale » agglomère ainsi sous le même terme une minorité de mères seules – qui sont veuves ou n’ont pas vécu avec le père des enfants – avec une majorité de femmes séparées, dont le père des enfants a été doté d’un droit de visite et d’hébergement. Le terme de famille monoparentale est donc trompeur : dans la plupart des cas le père existe mais les enfants ne résident pas principalement chez lui.

De fait, dans la majorité des cas, ce droit de visite fait que les enfants ne vivent avec leur père que deux week-ends par mois. Malgré cela, les parents doivent vivre en coparentalité, puisque l’autorité parentale est partagée (voir notre billet de la semaine dernière).

Prendre en compte le temps avec chaque parent

L’enquête conduit donc à constater, bien que de manière assez grossière du fait de la nature des données recueillies, une dégradation de la santé mentale des adolescents qui vivent surtout avec un parent (souvent la mère) en ne gardant que des contacts réduits avec l’autre parent (souvent le père). Vivre en famille recomposée semble source de difficultés également mais, vraisemblablement, ces adolescents vivent parfois sous le régime d’un droit de visite et d’hébergement réduit avec l’un de leurs parents, souvent le père. Comme l’enquête n’est pas précise sur le temps vécu avec chaque parent, nous nous en tenons à des pistes de réflexion.

Le même genre d’enquête nationale auprès des adolescents a été conduit en Suède. Contrairement à la France, le questionnaire suédois prend en compte le temps que l’adolescent vit avec chaque parent. Les résultats montrent que les adolescents qui vivent autant de temps avec chacun des parents séparés, en famille recomposée ou non, ont une santé mentale équivalente à ceux des familles nucléaires, c’est-à-dire non-séparées. L’analyse fine de cette enquête montre que ce bénéfice sur la santé mentale des enfants ne peut pas être expliqué par le niveau socio-économique des parents ni par leur propre santé mentale. Le temps passé avec les deux parents joue donc un rôle essentiel, même si, vraisemblablement, une partie de temps se déroule en famille recomposée.

Ce type d’enquête manque en France pour mieux cerner les facteurs sociodémographiques qui jouent sur la santé mentale des enfants et des adolescents après rupture des parents.