Rôle du père dans la sécurité affective des enfants

La semaine dernière nous avons présenté les travaux de l’équipe de recherche de William Fabricius concernant la sécurité affective des enfants et adolescents. Ce billet détaille la suite de l’enquête et ses résultats.

Les résultats montrent que la qualité de la relation des deux parents entre eux et celle de la relation de l’enfant au père jouent un rôle important. Ces résultats bousculent les études précédentes qui se sont centrées sur le conflit parental ou les relations de l’enfant à la mère.

Près de 400 familles suivies durant 3 ans

La recherche porte sur 217 familles unies, comprenant le père biologique, et 175 familles recomposées, avec un beau-père présent et jouant le rôle de père. L’échantillon est composé de 187 garçons et 205 filles. Ces familles appartiennent à différentes catégories sociales.

Les 392 familles passent des entretiens pour toutes les questions générales et remplissent un questionnaire pour ce qui est plus intime. Elles sont suivies durant 3 ans.

Les enseignantes et enseignants sont également interrogés.

L’échantillon est suffisamment important pour conduire des analyses statistiques multivariées et multiniveaux permettant d’isoler les variables et leurs effets.

Toute opposition n’est pas un conflit violent

Les résultats montrent clairement que le désaccord sans violence n’a pas les mêmes effets que la violence physique entre parents. Ce résultat est valable pour toutes les familles et toutes les catégories sociales. Cela confirme l’obligation de distinguer, dans les recherches comme dans les pratiques, les modalités des relations d’opposition entre les parents : toute opposition n’est pas un conflit violent.

Comme dans les autres études, le conflit violent impacte négativement la santé psychique des adolescents. Dans l’échantillon de l’étude, ces agressions physiques entre les parents viennent autant des pères que des mères. Ce résultat est également valable pour toutes les configurations familiales et les catégories sociales de l’étude.

Les effets du désaccord sans violence dépendent de la qualité des relations dans le couple conjugal. Ils sont moindres quand les couples s’entendent de manière générale. L’inverse est observé si les relations du couple sont de faible qualité.

La qualité de la considération par le père est prise en compte

Pour les adolescents de l’étude,  la qualité des relations conjugales et le sentiment d’être important pour le père ou le beau-père (sentiment de considération par l’autre) sont liés. Quand le couple a des problèmes de relation au quotidien et que ceux-ci sont attribués au père ou au beau-père, c’est la qualité de la relation de l’adolescent au père ou au beau-père qui est touchée.

Ces résultats sont particulièrement nets avec le beau-père, dans les familles recomposées.

La qualité de la considération par le père, ou le beau-père, et celle des relations entre les deux parents, ou entre la mère et le beau-père, apparaissent donc comme déterminantes.

Pour expliquer ce résultat, l’équipe de recherche suggère que les adolescents auraient déjà intégré une norme.

Pour les adolescents et adolescentes de l’enquête, la considération par la mère serait inconditionnelle : par nature, les enfants compteraient pour toutes les mères ; si on a l’impression de ne pas compter pour sa mère, alors c’est une mauvaise mère.

A l’inverse, la considération par le père ne serait pas donnée par nature mais dépendrait de l’enfant : si on est mal considéré par son père ou son beau-père, alors c’est que l’on n’en vaut pas la peine. D’où une perte de sécurité émotionnelle.

Mais il ne s’agit que d’une hypothèse à vérifier.

Le niveau de conflit conjugal n’est pas le seul facteur

L’équipe de recherche conclut que le conflit parental ne devrait pas être la principale variable à prendre en considération. D’une part, il faut distinguer désaccord et violence. D’autre part, la relation au père et la nature des relations entre parents ont un effet significatif, surtout dans les premières années de l’adolescence.

Ce résultat est important pour les familles, unies ou recomposées. L’étude ne dit rien des relations au père non-résident mais, à la suite des travaux de Nilsen en Norvège, on peut penser qu’il en est de même.

Ce résultat est également important pour les professionnel.les des affaires familiales. L’étude des dossiers, dans les séparations conjugales, devraient prendre en compte ces facteurs nouveaux.