Résidence alternée : une question sociale qui demande une inventivité politique

Notre article sur la résidence alternée, dans le journal en ligne The Conversation, vient de franchir la barre des 26 000 lecteurs !  Repris par d’autres journaux, twitté et retwitté, il avait été lu par plus de 18 000 lecteurs en une semaine lors de sa parution en janvier dernier (voir notre billet du 1° février 2017).

The conversation

Sa diffusion régulière continue et touche des centaines de nouveaux lecteurs chaque mois. Cette diffusion que nous ne soupçonnions pas démontre, s’il en était besoin, que la question de la résidence des enfants après la séparation de leurs parents est bien une question sociale et politique actuelle.

Si vous ne l’avez pas lu, il est temps de cliquer ici !

Les rencontres et lectures que nous avons faites depuis, et notamment lors de la conférence NPO-ICSP de Boston (voir notre billet du 31 mai 2017), confirment ce que nous écrivions en janvier dernier et nous incitent à poursuivre la dynamique pour faire évoluer la loi française.

Voici comment nous pouvons résumer la question aujourd’hui.

La nouvelle loi française devrait comprendre trois points essentiels

  • Fixer la résidence alternée comme une première option qui est proposée aux couples qui se séparent et qui est étudiée avec eux par les juges et les avocats.
  • Demander au tribunal des justifications supplémentaires pour décider de l’arrangement le plus strict, c’est-à-dire un week-end sur deux, et revoir automatiquement cette décision sous six mois. Le but et de restreindre la résidence « un week-end sur deux, strict » à des cas très sensibles.
  • Faciliter l’adaptation de l’arrangement de résidence lors de chacune des grandes étapes de la vie de l’enfant, sans que les parents soient obligés de faire appel à un avocat et de porter l’affaire en justice.

Cette proposition se justifie de la manière suivante.

 Situation actuelle : des inégalités entre les parents et une rupture des relations avec les enfants

Près de 200 000 enfants par an sont concernés par le divorce de leurs parents mais moins de deux sur dix (17%) vivent en résidence alternée.

Des mères responsables de foyers monoparentaux. Après divorce, un peu plus de sept enfants sur dix vivent uniquement chez la mère (73%) et moins d’un sur dix vit chez le seul père (7%).

Des pères isolés. Pour la majorité des cas de résidence chez la mère (57%), l’arrangement « classique » est ordonné, autrement dit 12 jours chez la mère en alternance avec 2 jours chez le père, les vacances étant partagées. Petit à petit, près de 20% des enfants séparés ne voient plus leur père.

Des enfants désavantagés par la rupture d’un lien éducatif essentiel. Les conditions des enfants après divorce sont inégales sur le territoire : dans certains départements, près de 25% vivent à égalité avec leurs deux parents alors qu’ils sont moins de 10% dans d’autres. Une étude de la DEPP montre que les adolescents qui vivent avec un seul parent sont toujours plus vulnérables à l’échec scolaire quel que soit le niveau de vie des parents.

Il n’existe pas d’autres statistiques en France sur les effets du mode de résidence.

Conséquences : La résidence pleine ne bénéficie à personne, mères, pères, enfants ou adolescents

Ces mères ne peuvent pas vivre pleinement au niveau social et professionnel. Comme le dit la pétition des femmes en faveur de la résidence alternée, signée par Marlène Schiappa en 2014 : « il est difficile de concilier vie de famille en solo et carrière professionnelle », de plus, « le solo maternel est austère si le papa des enfants n’assure pas le relai. »

Ces pères se sentent déresponsabilisés par la décision de justice. Le parent non-résident – souvent le père – a simplement un droit de visite et d’hébergement. Passer du statut de parent à celui de visiteur et d’hébergeur est difficile à accepter. Ce parent rencontre ses enfants uniquement sur des temps de loisir (week-end ou vacances). Son accès aux informations sur la vie ordinaire de l’enfant dépend de l’autre parent.

Ces enfants subissent des effets négatifs au niveau affectif, scolaire et santé. Les enfants sont privés de relations au quotidien avec un de leurs parents, souvent leur père :  aller ensemble à l’école, lire une histoire le soir, inviter les camarades de classe, etc.

Lors de la Conférence Internationale sur la Résidence Alternée de Boston 2017, la professeure Malin Bergström et son équipe ont confirmé leurs résultats précédents (voir notre article du 8 février 2017). Leurs études à grande échelle montrent que les enfants et les adolescents qui vivent en résidence alternée égalitaire ont un niveau de bienêtre presque équivalent à celui des enfants vivant avec leurs deux parents. En revanche cela n’est pas le cas pour les enfants qui vivent presque tout le temps avec un seul parent, souvent la mère. Ce qui est nouveau dans les études de l’équipe suédoise c’est que ces résultats s’étendent maintenant aux très jeunes enfants, en dessous de 3 ans.

Actions : Modifier la loi pour atténuer les conséquences de la séparation pour les enfants

La loi française autorise la résidence alternée mais elle n’incite ni les couples ni les professionnels de la justice à la choisir en priorité. Il faut changer la loi dans ce sens.

De nombreux états en Europe et ailleurs ont créé une loi plus incitatrice. Le Kentucky vient de voter une loi posant la résidence alternée comme première option légale à la suite de nombreux autres états américains allant dans ce sens (voir notre billet du 7 juin 2017). En Belgique, la loi de 2006 a fait que plus de pères demandent la « garde » alternée égalitaire. En Suède, depuis 1998, la résidence alternée est le premier choix proposé aux couples qui divorcent et elle peut être imposée par le juge. Cette loi n’a été modifiée que marginalement depuis.

L’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté le 2 octobre 2015 une résolution qui prône un équilibre femme-homme dans l’éducation des enfants, notamment en cas de divorce.