En cas de séparation, penser aux plans parentaux

Le confinement a bousculé les familles et pourrait provoquer des séparations. Durant cette période, nous avons publié deux articles. Le premier montre que de nombreux couples séparés ont assoupli les modalités de visite et d’hébergement des enfants afin de renforcer les relations avec les deux parents ; pour certains couples, c’était l’occasion de dépasser de vieux conflits. Le deuxième article attire l’attention des couples qui se séparent sur l’importance de ce maintien des liens des enfants et des parents. Il appelle à établir des plans parentaux.

L’importance des plans parentaux était le sujet de l’intervention d’Adeline Gouttenoire, directrice du Centre européen de Recherches en droit des Familles, à l’Université de Bordeaux, lors des rencontres que nous avons organisées le jeudi 7 novembre 2019, avec des parlementaires, des professionnels de la justice, du droit et des affaires familiales, à propos de l’évolution du droit de la famille dans les configurations sociétales actuelles. Avant la pandémie, nous avons rendu compte de la table ronde 1 et de la table ronde 2.

Nous reprenons le compte rendu de la table ronde 3, que nous avions juste commencé. Ce thème est pleinement d’actualité.

Beaucoup de couples se séparent sans faire appel à la justice

Adeline Gouttenoire attribue cette évolution aux personnes qui accompagnent les couples, particulièrement les avocats. Pour elle, la figure de l’avocat en droit de la famille aujourd’hui est une figure totalement différente de celle d’il y a une vingtaine d’années qui était dans le conflit. Aujourd’hui,  de nombreux avocats jouent un rôle de médiation auprès de leurs clients et il très important que la formation des professionnels se poursuive dans ce sens-là.

En outre, de plus en plus de parents ne sont pas mariés, et donc ne sont pas obligés d’aller voir un juge pour se séparer. Pour les autres, le divorce par consentement mutuel permet de régler par convention tous les effets de la séparation. Les modalités de partage des responsabilités parentales, et donc de résidence des enfants, peuvent être décidées dans ce cadre.

Enfin, des couples font remarquer qu’ils n’ont rien demandé pour vivre ensemble et avoir des enfants, et donc qu’ils vont gérer eux-mêmes leur séparation. Cette volonté conduit à ce qu’ils s’entendent sur un plan parental, sinon ils devront faire appel à la justice. Pour elle, par hypothèse, il n’y a donc pas de conflit. S’il y a un conflit, c’est antinomique avec les plans parentaux.

Des plans parentaux extrajudiciaires apparaissent

Cette idée vient de l’étranger, souvent des pays anglo-saxons ou des pays nordiques. Les plans parentaux sont obligatoires aux Pays-Bas, par exemple. L’étude dirigée par Adeline Gouttenoire montre que quand il y a plan parental, les relations de l’enfant avec chacun de ses parents sont plus équilibrées. Plus les parents sont d’accord et plus l’enfant a de meilleurs liens avec eux.

L’avantage des plans parentaux est que les couples vont les adapter en fonction de ce qui leur convient et de ce qui leur est compliqué. Pour certains, c’est la religion de l’enfant, pour d’autres c’est la distance. Dans un couple de l’enquête, un parent est en curatelle. Les plans parentaux permettent de s’adapter à la situation de chaque couple en créant des solutions originales. On parle de modalité 2-2-5-5 (deux jours par semaine chez chaque parent et les weekends en alternance) ou de 9-5 (5 jours chez un parent répartis sur les deux semaines, en général un weekend et un milieu de semaine). Plus les gens se mettent d’accord et plus ils laissent de place à l’enfant.

La continuité avec l’organisation précédente du couple n’est pas le problème

Pour Adeline Gouttenoire,  des pères assez peu présents dans la vie du couple peuvent se révéler des pères investis dans la vie de l’enfant, une fois le couple séparé. Par exemple, la résidence alternée ne leur laisse pas le choix, le père est seul et doit s’investir.

Pour elle, l’éloignement géographique est le problème majeur car les ruptures de lien sont souvent liées à la distance. Ici aussi, il y a évolution des pratiques judiciaires. On a des décisions dans lesquelles les juges disent « madame, monsieur, vous voulez partir, d’accord, mais vous partez sans les enfants. » Indépendamment de la résidence alternée, il y a une évolution de la jurisprudence en faveur du maintien de la proximité géographique. La proximité ne résout pas tous les problèmes ; il faut se centrer sur ce que l’on fait vivre à l’enfant, notamment dans les activités des weekends, avec les activités sportives, les anniversaires des copains copines, les grands-parents, les cousins cousines, etc. On ne peut pas lui faire vivre un enfer parce que ses parents sont séparés.

Il y aussi des éléments fondamentaux mais qui peuvent paraitre de petits détails. Par exemple, les parents peuvent s’engager, quand ils ne peuvent pas garder l’enfant, à demander en priorité à l’autre parent de le garder. Parce que l’hébergement partagé entre deux familles recomposées, qui est fréquent, peut être difficile. On se retrouve avec un enfant qui est balloté entre deux maisons, deux façons de vivre et parfois entre deux personnes qui ne sont pas ses parents. C’est là qu’il faut essayer d’adapter, de faire du sur-mesure. Il faut s’en donner les moyens et faire accompagner les personnes.

Pour Adeline Gouttenoire,  on demande à l’enfant d’aller d’une maison à l’autre mais on ne demande jamais aux parents d’aller ensemble un peu dans la vie de leur enfant. Les parents peuvent faire un effort pour Noël et l’anniversaire de l’enfant. Il faut que tout le monde mette la main à la pâte, c’est une question d’attitude.

L’étude montre que les couples font évoluer les plans parentaux. Les parents partent sur un système un peu classique et ils se rendent compte que l’alternance prévue ne convient pas parce qu’un parent a des horaires de travail qui ne conviennent pas, etc. Ce qui en ressort, c’est qu’il faut permettre aux gens d’être souples et imaginatifs avec l’objectif que l’enfant soit le mieux possible.

Mettre en avant l’importance de maintenir des liens à chaque parent

Pour Adeline Gouttenoire, il faut réfléchir à des temps partagés des parents et de l’enfant qui soient déconnectés de la résidence. On peut très bien partager beaucoup de temps sans forcément obliger l’enfant à changer de maison. On peut imaginer des activités sportives ou culturelles et autres qu’un parent fait avec son enfant sans forcément que cela implique une alternance de résidence. Ce qui la gêne dans l’idée de résidence alternée c’est l’alternance, le fait que l’on bascule d’une semaine A à une semaine B, des semaines qui n’ont parfois rien à voir.

L’idée serait d’inscrire dans le texte de loi, que l’enfant doit maintenir des liens avec chacun des parents et partager avec chacun d’entre eux des temps suffisants pour permettre son développement et la satisfaction de ses besoins fondamentaux.

Adeline Gouttenoire termine son intervention en souhaitant que les plans parentaux extrajudiciaires acquièrent une force et une reconnaissance plus importantes.