Influence du contexte médiatique sur la décision de justice

Les Cahiers de la Justice, la revue de l’École Nationale de la Magistrature en France, publient un dossier « des juges sous influence » qui donne un aperçu des facteurs d’influence qui pèsent sur le juge, à travers des approches en psychologie sociale, économie et sciences politiques. Ce billet parle de l’article qui montre l’impact des reportages présentés dans les journaux télévisés la veille des verdicts en cours d’assise.

Les juges sont les bouches de la loi

Il y a deux manières de voir le travail des juges. Pour certaines personnes, qui se réfèrent à ce que disait Montesquieu au 17° siècle, les juges sont « les bouches de la loi » : les juges seraient des « êtres inanimés » qui ne peuvent pas altérer la loi. Pour d’autres, qui se décrivent comme réalistes, les décisions des juges sont influencées par des facteurs qui n’ont rien à voir avec le cas jugé, comme pour tout être humain. C’est ce que nous avons décrit dans notre billet du 8 juin 2016. Ces personnes se réfèrent à Franck, un auteur du début du 20° siècle, qui énonce que « la justice c’est ce que le juge a mangé au déjeuner. »

L’influence de la pause déjeuner sur les décisions de justice a donné lieu à de nombreuses recherches dont les résultats vont tous dans le même sens. L’un des articles des Cahiers de la Justice porte sur cette question, comme le résume Jacques Mugnier dans le Journal des Idées de France Culture.

Mais ce qui nous intéresse ici c’est l’article sur l’influence du contexte médiatique.

Le contexte médiatique altère la manière de dire la loi

L’article de Philippe Arnaud, chercheur au ministère de la justice, montre que les jurys de cours d’assise (composés de juges professionnels et de personnes tirées au sort) prononcent des peines significativement plus élevées lorsqu’il y a eu des reportages sur des faits criminels la veille. A l’inverse, si les reportages portaient sur les erreurs judiciaires, alors les peines prononcées sont significativement plus faibles. Dans les deux cas, la différence est de près de trois mois. Plus l’audience du journal télévisé est forte et plus l’influence sur la décision de justice est importante.

Ces résultats pourraient être attribués à la présence de juges non professionnels dans les jurys d’assise mais l’article montre que les juges professionnels sont influencés par l’ordre des décisions. Quand les juges sont confrontés à des cas de faible gravité, ils ont tendance à condamner plus fortement des infractions importantes.

Ces résultats ne sont pas uniques pour les juges. Les mêmes influences ont été montrées dans l’enseignement ou dans la finance.

Selon Philippe Arnaud, les décisions de justice méritent une réflexion collective car elles influencent plus la vie des personnes qu’une mauvaise note ou qu’un investissement douteux. C’est à chacun de décider !

Ce qui est clair c’est que nous devrions plus réfléchir aux conséquences, sur toute la vie des enfants de parents séparés, d’une seule décision d’un ou d’une juge, prise en quelques minutes, dans le flot des nombreuses décisions quotidiennes. Or, ces conséquences durent des années, sans possibilité de remise de peine, contrairement aux verdicts de cours d’assise étudiés dans l’article des Cahiers de la Justice.

La semaine prochaine nous vous parlerons d’une action en faveur de la résidence alternée conduite par le CIRA.