Pour supprimer les tunnels de 3 semaines, éviter un week-end sur deux strict

Nous avons reçu plusieurs réactions à notre dernier billet à propos des tunnels de 3 semaines dans lesquels sont régulièrement plongés les enfants, sans voir leur parent non-résident, souvent le père. Les solutions pour les supprimer semblent très difficiles à trouver.

Rappelons que l’arrangement dit « classique » qui fait que l’enfant rencontre le parent non-résident un week-end sur deux est, dans la réalité de la vie de l’enfant, une alternance 12 jours – 2 jours. Selon la manière dont est rédigé l’accord entre les parents et la décision du juge, cette alternance, en se combinant avec les vacances scolaires, peut créer des périodes de 3 semaines sans aucune rencontre avec le parent qui a le droit de visite et d’hébergement.

Que faire dans ce cas pour les éviter ? Les solutions qui apparaissent, en lisant les retours qui nous ont été faits, ne sont jamais totalement satisfaisantes.

Alterner selon les numéros de semaine maintient les tunnels

Un responsable d’association parentale écrit que l’arrangement des week-ends 1-3-5, dont il est fait mention dans le billet de la semaine dernière, en référence à un jugement du tribunal de Créteil, était un arrangement très courant par le passé mais qui tend à disparaitre. Il a eu de nombreux retours de parents qui faisaient part de leurs difficultés par rapport à ce type de d’arrangement.

Selon lui, cet arrangement par numérotation des week-ends augmente les tensions et complique les relations parentales. Il dit que beaucoup de parents se disputent et sont en désaccord pour les week-ends qui sont à cheval sur 2 mois : est-ce le cinquième ou le premier week-end ?  La bataille empire lorsqu’un jour férié suit le week-end en question (exemple samedi 30 mars, dimanche 1er et 2 avril férié, de 2018) ; mais cette difficulté liée au jours fériés est identique avec la succession semaines paires/impaires.

De plus, rien n’est régulier pour l’enfant qui peut enchainer deux week-ends de suite avec le parent bénéficiant des week-end 1, 3 et 5.

Enfin, cette modalité peut aussi générer des tunnels de 3 semaines, sans que l’enfant puisse rencontrer le parent n’ayant qu’un droit de visite et d’hébergement, souvent le père. Pour s’en persuader il suffit de prendre quelques exemples :

– en décembre 2017 : le père voit son enfant les 2-3 décembre (1er week-end) ensuite si les vacances commencent avec la maman, il ne le revoit que le 30 décembre au soir.

– un père en zone C qui aurait la deuxième semaine des vacances d’hiver : il voit son enfant le 1er week-end de février (3 et 4 février) puis ne le retrouve que le samedi 24 au soir. Cela ne change rien si c’est lui qui commence ces mêmes vacances : ses enfants le voient jusqu’au 24 février au soir… et ne le retrouvent que 3 semaines plus tard le 3ème week-end de mars (17-18).

Inventer des modalités adaptées

Selon ce responsable associatif, la seule solution pour éviter les « tunnels » serait une stricte alternance des week-ends sur toute l’année (et même glissante d’une année à l’autre) sans distinguer les périodes scolaires des vacances.

Il propose la formulation suivante :

« Le père (la mère) bénéficiera d’un droit de visite d’un week-end sur deux, dont l’alternance sera stricte et se prolongera aux années suivantes. Les vacances commenceront avec le parent qui n’a pas eu l’enfant le week-end précédent. L’alternance stricte reprenant à l’issue du dernier week-end de la période de vacances. »

Cette modalité permet une régularité dans l’exercice des droits de visite et d’hébergement. Cependant, selon ce correspondant, elle a l’inconvénient d’être plus floue pour contester une éventuelle non-représentation d’enfant.

Il conclut en incitant les parents à sortir des sentiers battus et à se mettre d’accord sur de telles modalités en le justifiant… Pour lui, si personne ne le demande, il est normal qu’aucun jugement ne l’ordonne.

La pratique d’une avocate belge

Parmi les réactions, une avocate belge explique : « Je n’organise jamais un hébergement en week-end pair/impair car effectivement il y a des « tunnels ». Je propose un week-end sur 2 avec un week-end de référence et après la dernière partie des vacances, l’enfant va passer le week-end chez l’autre parent. »

Cette pratique rejoint ainsi la suggestion du correspondant cité précédemment. Elle ne semble cependant pas pouvoir se mettre en place sans que les parents s’accordent sur un calendrier annuel précis. Cela rejoint alors l’idée des plans parentaux.

Éviter l’arrangement dit « classique »

Pour rappel, ces questions très matérielles et concrètes concernent un très grand nombre d’enfants. Les dernières statistiques montrent que, dans la seule année 2012, 200 000 enfants étaient concernés par des décisions de justice, suite au divorce ou à la séparation de leurs parents. Parmi eux, 75 % sont en résidence chez un seul parent, surtout la mère (69 %, soit 140 000 enfants dans une année).

La plupart de ces enfants (57%) vivent sous le régime de l’arrangement dit « classique strict », c’est-à-dire de l’alternance 12 jours – 2 jours qui crée des « tunnels » de trois semaines sans voir le parent qui n’est pas résident.

Ils ne sont que 11% à vivre sous l’arrangement dit « classique élargi » qui leur permet de rencontrer le parent non-résident la semaine durant laquelle ils ne le voient pas le week-end.

Cet arrangement supprime donc automatiquement les tunnels.

Cet arrangement correspond également, en France, au seuil minimal considéré comme « résidence alternée » par les recherches internationales. Cela est dû à la longueur des vacances scolaires en France qui donnent aux enfants l’occasion de rencontrer leurs deux parents de manière significative, si les parents peuvent prendre des congés.

Ce n’est donc pas sur la résidence de l’enfant chez les deux parents que la loi devrait porter attention. Ce qui compte c’est la durée passée avec chaque parent.

La loi, les orientations données aux juges et aux avocats et les conseils promulgués aux parents et aux professionnels de la famille devraient attirer l’attention sur les conséquences négatives de l’arrangement dit « classique strict » et le rendre exceptionnel.