Eve Roger sur Europe 1 : Témoignages de jeunes en résidence alternée

L’émission de Eve Roger sur Europe 1, le 25 juillet dernier, s’intéresse à la résidence alternée qui se développe petit à petit en France depuis la loi de 2002.

La journaliste indique que 400 000 enfants vivent en résidence alternée. Elle se réfère ainsi à l’enquête INSEE dont nous avons parlé dans un précédent billet. Elle rappelle que la résidence alternée est presque toujours acceptée par les juges lorsque les parents sont d’accord pour la demander.

Elle affirme que les pères la demandent peu car ils ont peur de ne pas savoir faire, parce qu’ils ont peur qu’on la leur refuse ou que ce ne soit pas bon pour les enfants.

Concernant le peu de compétences des pères pour s’occuper des enfants, nous en avons parlé à propos de l’allongement du congé paternité en Espagne : les recherches montrent que les pères se découvrent petit à petit compétents pour le soin et l’éducation. Il faut pour cela que le congé soit suffisamment long.

Concernant le bien-être des enfants, Eve Roger rappelle que depuis plusieurs années certains pédopsychiatres alertent sur de possibles dangers de la résidence alternée pour les petits. Avec du recul, dit-elle, aujourd’hui il se pourrait que la résidence alternée soit le moins mauvais des systèmes, voire la meilleure solution, pour garder le lien avec chacun des deux parents.

Elle passe alors l’antenne à des parents et des enfants pour témoigner. Le pédopsychiatre Serge Hefez apporte un éclairage de praticien. Nous ne gardons ici que les témoignages d’enfants, laissant le reste pour de prochains billets.

Lucas, 27 ans dont les parents se sont séparés quand il avait 6 ans

La résidence alternée s’est rapidement mise en place ; les parents habitaient dans la même ville. Il en a un bon souvenir car cela s’est très bien passé pour lui et ses deux frères jumeaux plus âgés. Les parents s’entendaient suffisamment pour accepter les petits changements dans l’organisation. Ils suivaient tous les deux la scolarité de Lucas et de ses frères.

Petits, les enfants partageaient la même chambre, plus tard chacun a eu sa chambre dans chaque maison.

Au lycée, Lucas a demandé un aménagement du rythme. Le rythme hebdomadaire ne lui posait pas de problème jusqu’au collège mais ensuite, selon l’horaire des cours au lycée ou quand une tension apparaissait avec un parent, il a pu rester plus longtemps chez un parent. Les deux étaient au courant et d’accord. Les parents ont toujours été à son écoute et ont accepté les quelques ruptures de rythmes.

Pour les vacances, la modification de rythme permettait de partir 3 semaines de suite. Cela quand les enfants ont grandi.

De son point de vue, il recommanderait la résidence alternée et l’utiliserait si besoin. Il n’a pas souffert de changer de maison toutes les semaines.

Geoffray, enfant de parents divorcés

Geoffray, 27 ans, a vécu en résidence alternée après une longue bagarre judiciaire. Le père souhaitait avoir la garde alternée et l’a obtenue au bout de 4 ans ; Geoffray avait alors 10 ans.

Le rythme de l’alternance était hebdomadaire. La distance entre les deux logements était assez grande (8-10 kilomètres) ce qui l’empêchait de voir ses amis. Cela l’a ennuyé.

A l’époque il s’entendait mieux avec son père qu’avec sa mère. Il qualifie son histoire de compliquée.

A l’adolescence, en fin de collège, il décide de prendre les choses en main. Il décide de jouer de la résidence alternée plutôt que de la subir. Il reste chez le parent le moins sévère, la mère, quand les bulletins scolaires vont arriver. De temps en temps il profite de l’absence de communication entre ses parents pour aller dormir chez ses amis et amies. Les parents ne s’en sont pas aperçu et ils n’auraient jamais accepté ces arrangements.

Il est reconnaissant à son père de s’être battu pour la résidence alternée parce que les deux parents lui ont apporté des choses importantes. La mère a apporté de l’attention et de l’affection, c’est une maman poule. Le père est très sévère et a toujours exigé le meilleur. Il a appris des deux et cela l’a fait avancer dans la vie. Avec le recul de l’âge, il les remercie tous les deux même si, sur le coup, il a souffert. Il en est sorti grandi.

Arthur, en résidence alternée 2-2-5-5

Arthur, 17 ans, est en résidence alternée depuis qu’il a 7 ans. Les lundis et mardis il dort chez sa mère, les mercredis et jeudis il est chez son père et les week-ends sont alternés. C’est pratique car quand il était petit il trouvait trop longue la semaine sans voir un des parents. Du coup, ses parents ont instauré ce système et ils l’ont gardé.

Il déménage souvent mais c’est un mode de vie sympathique : les changements sont agréables.

Il n’a pas souvent de conflit avec son père ou sa mère mais, quand cela arrive, il sait qu’il verra l’autre parent très vite donc c’est plus facile.

Il apprécie d’avoir deux styles d’éducation : chez maman, il faut participer car la famille est grande alors que chez papa c’est plus tranquille même si, en tant qu’aîné, il gère les plus petits dans les tâches ménagères. Les parents s’appellent souvent donc leurs demandes éducatives restent assez proches.

Il aime bien aussi avoir beaucoup de choses en double. Pour Noël ou les anniversaires, il y a deux fois la fête.

Il vit dans deux familles recomposées, chez sa mère et chez son père. Il apprécie de rencontrer d’autres personnes et d’avoir comme une nouvelle famille avec ses demi-frères. Au début il n’a pas trop apprécié mais maintenant il trouve qu’il a plus de monde sur qui compter. Donc il est heureux.

La résidence alternée dure depuis 10 ans et il espère que cela durera jusqu’à son indépendance.

Les enfants préfèrent changer régulièrement de maison plutôt que d’être coupés d’un parent

Ces témoignages concordent avec les résultats des recherches scientifiques internationales. Ils ne sont pas sans traduire les difficultés des mineurs lorsque leurs parents se séparent. Ils font apparaître aussi les difficultés de l’adolescence, souvent atténuées par la présence des parents et celles des fratries, familles d’origine ou recomposées.

Les enfants comprennent que passer d’une maison à l’autre leur permet de garder des relations avec leurs deux parents. Cela rejoint des résultats de recherche obtenus avec des échantillons plus conséquents. Les trois témoignages montrent les bénéfices qu’ils retirent de la complémentarité des deux parents.

La résidence alternée est bénéfique au bien-être des enfants. Toutes les recherches actuelles le montrent. Ces trois témoignages illustrent comment ces enfants ont trouvé un équilibre dans leur vie malgré la séparation des parents.

Les jeunes adultes qui, enfants, ont vécu en résidence alternée maintiennent des relations équilibrées avec leurs deux parents et les remercient de ce choix. C’est également un résultat de recherche dont nous avons parlé.

Garder de bonnes relations avec ses enfants quand ils seront devenus adultes grâce à la résidence alternée : c’est peut-être le ressort le plus motivant et le plus agréable pour guider le choix des parents qui se séparent !