Europe1 : des témoignages de parents sur la vie en résidence alternée

Nous continuons avec l’émission de Eve Roger sur Europe 1, du 25 juillet dernier, qui s’intéresse à la résidence alternée qui se développe nettement en France. Une récente enquête de l’INSEE indique que la proportion d’enfants vivant en résidence alternée a doublé en France ces dernières années, quel que soit l’âge des enfants. Comme c’est un accroissement dans la population totale, on peut supposer que l’augmentation est bien plus forte dans la population des enfants dont les parents sont séparés.

La semaine dernière nous avons présenté les témoignages des auditeurs ayant vécu ou vivant encore la résidence alternée en étant enfant. Nous avons constaté que cet arrangement leur permet de profiter de la complémentarité des parents et de garder, en étant jeunes adultes, des relations équilibrées avec eux. Ces jeunes remercient leurs parents d’avoir fait ce choix de résidence.

Aujourd’hui, nous parlons des témoignages des deux parents qui ont participé à l’émission. Un prochain billet sera consacré aux commentaires de Serge Hefez, pédopsychiatre.

Elodie, une maman qui apprivoise la garde alternée

Elodie, 38 ans, et son mari se sont séparés quand leur fils avait 3 ans. Ils alternent une semaine sur deux dans leur ancien appartement commun à Orléans, la mère travaillant à Paris. Les deux parents voulaient que leur fils garde ses repères.

La mère poursuit son travail à Paris en habitant chez des amis. Ne pas courir tous les soirs et toutes les semaines, pour prendre le train après le travail, est un soulagement. La résidence alternée lui permet de faire de plus grosses semaines de travail et de pouvoir profiter de la vie sociale (faire des terrasses avec des copains et des copines après le travail, dit-elle). Elle trouve que cela aide à digérer la séparation et permet d’être entourée dans ce moment difficile. Cet arrangement lui permet de retrouver la vie de célibataire une semaine sur deux.

Au début, cela a été hyper dur pour elle. La première fois qu’elle a laissé son fils pour une semaine, elle a pleuré deux heures dans sa voiture en allant travailler. Elle n’avait jamais été séparée de lui. Même maintenant qu’il a 10 ans, elle a du mal à le laisser dormir chez des copains.

Elle a toujours du mal à aller dans sa chambre quand son fils est chez son père.

Elle n’aurait pas choisi la résidence pleine chez elle, même sans son travail éloigné de la maison,. Le père est très impliqué dans la paternité. Même si avec son mari ils ne s’aiment plus, pour elle, il reste quelqu’un de très bien, qu’elle avait choisi et avec qui elle avait décidé de faire un enfant.

Elodie est fille de parents divorcés. La rupture entre ses parents s’était très mal passée et elle n’a pas revu son père après le divorce. Elle ne voulait pas que son fils connaisse cela. Elle a donc fait un effort pour que le fils garde ses liens avec son père.

Cependant, pratiquement, elle ne voyait pas son fils du fait des horaires des trajet pour rejoindre son travail à Paris. Quand il a eu 6 ans, elle a proposé au père d’alterner la semaine chez elle et les week-ends chez lui. Le père préférait la semaine car, n’ayant pas refait sa vie, il voulait des week-ends libres. Quand elle s’est installée définitivement à Paris avec son nouveau compagnon, son fils a préféré rester chez elle. Pour que leur garçon ne sente pas de conflit entre ses parents, le père a accepté cet arrangement et, elle, elle laisse leur fils chez son père plus d’un week-end sur deux.

La journaliste lui demande si elle regrette d’avoir accepté la période de résidence alternée. Elodie ne la regrette pas car son fils est pleinement épanoui. A l’école maternelle, les enseignantes déjà le trouvaient très épanoui et heureux, contrairement à d’autres enfants de parents séparés de la même classe. Pour elle, la recette est d’écouter ce que veulent les enfants et surtout ne pas être en conflit.

Thomas s’est battu pour la résidence alternée de sa fille de 10 mois

Thomas, 33 ans, a insisté pour avoir sa fille en résidence alternée alors qu’elle avait 10 mois. Il a refusé le rôle classique attribué au père et à la mère qui laisse la garde des enfants à la mère en cas de séparation. Il estime que sa fille a besoin de ses deux parents.

Le premier réflexe des parents a été l’arrangement classique. Après réflexion, il a insisté pour choisir la résidence alternée, en alternance hebdomadaire. Il dit qu’il a convaincu la mère par l’amour qu’il porte à sa fille. Il a montré que, autant elle que lui avaient les mêmes responsabilités et les mêmes compétences.

La décision de résidence alternée a été prise à l’amiable car, après discussion, ils ont considéré que passer devant la justice ne rendait pas service à leur fille. Prendre eux-mêmes la décision et ne pas dépendre de celle d’un juge, c’était se montrer adultes et respectueux de leur fille.

Le père a cependant eu peur que la garde alternée lui soit enlevée et il a été et demeure très conciliant. Avec l’image de la société sur le rôle des parents, il craignait que la mère de famille impose le passage devant un juge qui allait décider de la garde pleine chez la mère.

Résidence alternée ou garde pleine, les parents ont à faire vivre la coparentalité

La journaliste affirme que les parents doivent s’entendre pour que la résidence alternée fonctionne. C’est vrai et c’est faux ! Résidence alternée ou garde pleine, les parents doivent s’entendre pour faire vivre la coparentalité.

En fait, Elodie et Thomas, tout comme les parents de Lucas, Geoffray et Arthur dont nous avons parlé dans le billet précédent, n’ont fait que traduire la loi de 2002 en actes. Ces parents ont soutenu l’intérêt supérieur de leurs enfants en répondant à leurs besoins, en s’adaptant à leur évolution et en respectant l’autre parent.

Il est vrai que faire vivre la coparentalité n’est pas toujours facile ! Les deux témoignages de l’émission démontrent comment les parents doivent se battre contre les préjugés et les habitudes. Ils rejoignent en cela les deux autres témoignages publiés par le journal La Croix dont nous avons parlés récemment.

Pour soutenir l’effort des parents, les lois et les pratiques pourraient évoluer.

Il n’est pas normal que le site officiel de la République, présentant le divorce, indique comme » habituel » la garde pleine par la mère et les droits de visite du père 2 jours par quinzaine. D’autres pays sont plus avancés. En Norvège, le même genre de site propose, au contraire, la résidence alternée comme modèle d’arrangement en expliquant que la garde par la mère et le droit de visite pour le père est un modèle qui a été courant mais qui est maintenant dépassé (ce site était destiné aux étrangers et il semble qu’il ait été fermé – note du 19 mars 2020).

Il n’est pas normal que la loi n’indique pas clairement que le but à atteindre c’est la résidence alternée égalitaire. Comme en Arizona, au Kentucky, ou ailleurs, la loi pourrait enjoindre les juges et les parents – par l’intermédiaire de leurs avocats – à étendre au maximum le temps que l’enfant peut passer avec chaque parent.

L’intérêt supérieur de l’enfant, dans la société d’aujourd’hui et dans la plus part des cas, passe par le maintien et le renforcement des relations avec leurs parents, sans mise à l’écart de l’un d’eux.