La vie des enfants après divorce : une question de santé publique

La revue Health Psychologie Open publie un article du médecin italien Vittorio Carlo Vezzetti qui bouscule l’approche classique de la vie des enfants après séparation des parents. Pour lui, il s’agit d’une question de santé publique internationale et non pas seulement d’un choix législatif national. Il fonde cette proposition novatrice sur une synthèse des compte-rendus de recherches publiés par les revues scientifiques internationales.

doctorLa séparation parentale concerne 10 millions d’enfants en Europe et représente la première cause de perte d’un parent puisque, dans 40 % des cas pour certains pays, de nombreux enfants vivent avec un seul parent et ne rencontrent plus assez l’autre parent, souvent le père. Cette perte peut s’ajouter à d’autres dommages telle que l’exposition au conflit des parents, voire aux violences domestiques. Le médecin italien appelle donc à étudier la question du divorce sous l’angle de ses conséquences sur la santé des enfants.

Depuis la publication de ce billet, une étude américaine a confirmé les travaux de Vittorio Vezzetti.

Les dommages sur la santé causés par les difficultés durant l’enfance

Les conséquences de la perte parentale sont bien étudiées chez les animaux. Commencer par étudier les questions de santé sur les animaux peut surprendre mais représente une approche fréquente en médecine. La plupart des recherches étudient la perte de la mère mais de plus en plus s’intéressent à l’influence du père. Elles montrent, par exemple, que la séparation du père produit des modifications des neurotransmetteurs que sont la dopamine et le glutamate. Un lien peut alors être fait avec ce que l’on observe chez les humains.

Les effets sur la santé des enfants des situations de divorce, lorsque, en plus, les enfants subissent des abus, sont la cause de troubles de l’attention et d’hyperactivité. De plus, la plupart des recherches montrent un lien entre divorce et troubles alimentaires, sachant que ces recherches sont conduites dans des pays où la règle après le divorce est la garde par un seul parent, souvent la mère. L’auteur cite également une étude, portant sur près d’un million d’enfants, qui montre que les enfants élevés par un seul parent ont deux fois plus de probabilités d’avoir de sérieux troubles psychiatriques que les autres.

Au niveau purement biologique, chez les adultes, on note une hausse significative du niveau de cortisol chez ceux qui ont vécu une perte ou une séparation d’un parent. Cette hormone joue un rôle de régulation de l’organisme face au stress ainsi que dans le métabolisme des aliments. La séparation de l’enfant d’avec un parent peut ainsi avoir des conséquences sur la tension artérielle, la dépression, le diabète et l’obésité de l’adulte. Parmi les nombreux articles scientifiques cités par l’auteur, on note celle qui a récemment montré que la santé et le bienêtre des adolescents est augmenté lorsqu’ils bénéficient de l’attention de leurs deux parents à leurs expériences quotidiennes : leurs cellules réagissent mieux aux agressions externes et régulent mieux le cortisol.

La résidence alternée minimise le risque de perte d’un parental

Une étude française, conduite en 2013 par Régnier-Loilier, montre que la probabilité de perdre le contact avec le père est de 1 % en cas de résidence alternée alors qu’elle est de 21 % en cas de résidence principale chez la mère.

L’auteur conclut en pointant la contradiction dans le traitement social du divorce. D’un côté, les preuves des conséquences négatives du divorce et de la perte d’un parent sur la santé et le bienêtre général des enfants sont nombreuses. De l’autre, la plupart des pays considèrent cette question comme un problème uniquement judiciaire relevant de la politique familiale.

Vittorio Carlo Vezzetti appelle à traiter la question du devenir des enfants après séparation des parents aussi comme un problème de santé publique. Le nombre de divorces étant élevé, ce problème devrait être traité afin de ne pas créer un grave problème de santé publique dans les décennies à venir, lorsque les enfants d’aujourd’hui seront adultes.

Ce problème de santé fait partie des compétences de l’Union Européenne. C’est ce qui a été compris par l’Assemblée Parlementaire du Conseil Européen dans sa résolution du 2 octobre 2015 (voir notre billet du 6 janvier 2016). Cette résolution pourrait facilement être reprise dans les propositions politiques actuelles.