Quel est le coût social du droit de visite et d’hébergement dit « classique »

Comme l’indique l’avis du CESE voté octobre en 2017, « les séparations parentales concernent un nombre croissant de familles. Tous types d’union confondus, près de 350 000 couples, soit un sur trois, se séparent » chaque année. « Les foyers composés d’un parent qui ne vit plus en couple et qui partage, à titre principal, la résidence des enfants, ou de ménages seuls avec enfants, représentent 20% des familles. Cette situation, qui résultait autrefois le plus souvent du décès du.de la conjoint.e, est désormais très essentiellement liée à une séparation. »

Quel est le devenir des enfants dans ce contexte ? Quel en est le coût social ?

Plus de 80 000 nouveaux enfants par an sous la modalité 12 jours – 2 jours

Selon l’Insee (cité par INED), en 2013, 2,6 millions d’enfants, soit 19 %, vivent en famille monoparentale, sur les 13,7 millions d’enfants mineurs résidant en France métropolitaine. Leur proportion augmente avec l’âge : 11 % des enfants de moins de 3 ans vivent avec un seul parent alors que c’est le cas de 24 % des 11 à 17 ans. Dans 84 % des cas, les enfants résident principalement avec leur mère.

Selon le ministère de la Justice près de 200 000 enfants par an sont concernés par le divorce de leurs parents. Après divorce, un peu plus de sept enfants sur dix (73 %) vivent uniquement chez la mère, moins d’un sur dix (7 %) chez le seul père et moins de deux sur dix (17 %) vivent en résidence alternée, le plus souvent avec une alternance hebdomadaire. Au total, les foyers monoparentaux issus de la procédure de divorce relevant de la justice concernent donc environ 146 000 enfants par an.

Pour la majorité des cas (57 %) c’est le droit de visite et d’hébergement dit « classique » qui est ordonné. Les enfants se retrouvent coupés d’un parent, souvent le père, durant deux semaines de classe avant de le retrouver pour un week-end et, plus tard, la moitié des vacances scolaires. Si l’on indique la mesure en jours, cela revient à un arrangement 12-2 (12 jours avec un parent et 2 jours avec l’autre) plus la moitié des vacances, soit moins de 30 % du temps. Au total, environ 83 000 enfants par an sont placés dans une modalité de résidence qui fait qu’ils ne rencontrent leur père que 4 jours par mois, dans le cadre du droit de visite et d’hébergement dit « classique ». Cette situation fait que, petit à petit, près de 20 % des enfants séparés ne voient plus leur père.

Les conditions de vie des enfants après divorce sont inégales sur le territoire : dans certains départements, près de 25 % vivent à égalité avec chacun de leurs parents alors qu’ils sont moins de 10 % dans d’autres. Nous ne savons rien encore des conséquences de la procédure de divorce par consentement mutuel (DCM) instaurée en janvier 2017.

La rupture avec un parent nuit au bien-être des enfants

La séparation d’un des parents, le plus souvent le père, a des conséquences sur la santé physique et psychique ainsi que sur l’avenir scolaire et social des enfants.

Publiée en juillet 2017 par l’université de Princeton (USA), une recherche médicale démontre les effets négatifs de la séparation au père, effets plus importants sur la santé et le stress des garçons que des filles.

Les études épidémiologiques à large échelle, conduites en Suède par l’équipe de Malin Bergström, montrent les effets négatifs de la résidence chez un seul parent. Les enfants en résidence pleine chez un seul parent sont plus susceptibles que les autres de rencontrer des difficultés au niveau de la gestion des émotions, de l’hyperactivité, de l’attention et des relations avec les autres.

Un panel de la DEPP montre que les adolescents qui vivent avec un seul parent, sont toujours plus vulnérables à l’échec scolaire, quel que soit le niveau socio-économique du parent résident .

Les recherches internationales actuelles vont dans le même sens.

Les bénéfices de la résidence alternée égalitaire

La revue des 60 articles scientifiques internationaux publiée par Linda Nielsen montre que les enfants qui vivent en résidence alternée égalitaire sont semblables à ceux des familles non-séparées. Ces bénéfices portent sur tous les aspects mesurés négativement pour les enfants en résidence pleine. Ces bénéfices sont identifiables pour les jeunes enfants et les adolescents.

Un article publié dans une revue scientifique et approuvé par 110 experts internationaux démontre les avantages de la résidence alternée : les conséquences négatives sur les enfants de la séparation de leurs parents sont presque gommées en cas de résidence égalitaire chez les deux parents. Ces experts valident ce résultat y compris pour les enfants en dessous de 3 ans.

Les bénéfices sur les adolescents sont d’une grande importance pour leur devenir de jeunes adultes. Les recherches conduites par William Fabricius et son équipe montrent que la qualité de la relation des deux parents entre eux et celle de la relation de l’enfant au père jouent un rôle important dans le bienêtre des adolescents.

Une équipe de recherche norvégienne, conduite par Sondre A. Nilsen, a récemment publié une étude portant sur plus de 7 000 jeunes de 16 à 19 ans. Cette évaluation ne montre pas de différences entre les jeunes des familles non-divorcées ou en résidence alternée en ce qui concerne leur santé psychique, leurs émotions et leurs manières d’être avec les autres. Les adolescents en résidence alternée sont plus adaptés aux niveaux émotionnel et social que leurs camarades vivant en résidence pleine.

Ces résultats sont confirmés dans le numéro spécial de la revue Divorce and Remarriage, regroupant 12 experts internationaux. Quel que soit le niveau social, culturel et financier des parents, il vaut mieux que les enfants vivent le plus de temps possible avec chaque parent.

L’important est de favoriser le temps passé avec chaque parent

Pour les recherches internationales, la résidence alternée ne prend pas nécessairement la forme d’une alternance de sept jours. C’est la proportion de temps passé avec chaque parent qui compte, avec un mode de résidence incluant plusieurs nuitées chez chaque parent chaque semaine. Ce seuil et ces nuitées permettent des interactions au quotidien, afin de construire les relations avec chaque parent.

Ces relations fréquentes et régulières protègent les enfants, les adolescents et les jeunes adultes des conséquences de la rupture parentale.

Certains États américains, tels l’Arizona ou le Kentucky, ont voté des lois qui maximisent ce temps que l’enfant peut passer avec chaque parent après la séparation du couple.

Ces questions vous intéressent ? Elles ont été débattues lors de la 4° conférence sur la résidence alternée, Strasbourg, 22-23 Novembre 2018, au Palais de l’Europe.