La Cour d’appel de Chambéry soutient la volonté d’un enfant de vivre en résidence alternée

La semaine dernière nous avons rapporté comment la Cour d’appel de Chambéry a fixé des critères objectifs pour favoriser la coparentalité et donc la résidence alternée. Cette semaine, nous poursuivons avec la même Cour d’appel qui prend une décision pour soutenir la volonté d’un enfant de vivre en résidence alternée.

Le cas est à première vue complexe et peu commun mais l’histoire ressemble, en réalité, à celle de nombreux pères et mères avec qui nous sommes en contact. Ce qui est intéressant c’est la manière dont la Cour prend en compte l’évolution de l’enfant et sa volonté exprimée à travers des dessins. Cette décision représente un pas dans le sens d’une prise en compte plus objective du meilleur intérêt de l’enfant.

Que dit la décision de la Cour d’appel ?

La volonté de l’enfant est un fait nouveau justifiant un appel en justice

La Cour d’appel de Chambéry dans un arrêt rendu le 23 janvier 2017 rappelle que seule la survenance d’un fait nouveau peut justifier la modification d’une précédente décision de justice et qu’il appartient au demandeur d’en apporter la preuve.

La Cour accepte, dans le cas que nous rapportons, deux sortes de preuve :

  • Le temps a passé puisque la décision de fixer la résidence principale chez un parent date de 2 ans et demi, l’enfant ayant alors 6 ans.
  • Le parent demandeur, qui n’est pas le parent résident, affirme que l’enfant a plusieurs fois demandé de vivre en résidence alternée et apporte comme preuve deux courriers et dessins produits par cet enfant de 8 ans et demi.

Elle admet comme plausible que l’enfant ait évolué depuis la première décision et que, en tout état de cause, cette possibilité doit être prise en compte pour statuer en fonction de l’intérêt de l’enfant.

En conséquence, le temps passé depuis la première décision de justice, sans que des problèmes de violence sur l’enfant soient apparus, combiné à la volonté de l’enfant, exprimée dans ses écrits, constituent un élément nouveau aux yeux de la Cour d’appel.

La résidence alternée réduit les allers-retours de l’enfant

La Cour d’appel rejette les allégations du parent résident affirmant que l’autre parent manipule la justice et les experts et entretient de mauvaises relations avec l’enfant. La Cour fait remarquer que ce parent ne doit pas être si nocif que prétendu puisque bénéficiant d’un droit de visite régulier, strict pendant quelques années puis élargi au mercredi.

La Cour ne cache pas le fait que le parent demandeur aurait pu orienter la demande de l’enfant. Elle considère cependant que cette demande n’est pas orientée contre l’autre parent mais vers un meilleur équilibre des temps passé avec les deux parents, ce qui est « légitime et raisonnable. »

Elle en conclut que « la mise en place d’une résidence alternée réduirait les allers/retours de l’enfant entre les deux domiciles parentaux et aboutirait à donner à l’enfant un rythme plus harmonieux et moins hachuré entre les lieux de vie de l’enfant. »

L’intérêt de l’enfant c’est de rester en lien avec ses deux parents

La Cour précise que « l’intérêt de l’enfant, son équilibre et son épanouissement, commandent qu’il y ait une répartition la plus harmonieuse du temps passé avec chaque parent. »

Cette décision de la Cour d’appel de Chambéry, combinée avec celle rapportée dans notre précédent billet, confirme que les décisions de Justice et les résultats des recherches peuvent se rencontrer et se trouver en pleine cohérence sur quelques grands principes :

  • L’enfant a besoin de liens réguliers avec ses deux parents mais ces liens ont besoin de temps pour se construire et se consolider.
  • La coparentalité demande de répartir harmonieusement les responsabilités éducatives et financières et donc les temps de vie avec les enfants.
  • L’enfant d’un couple séparé vit toujours entre deux résidences et mieux vaut minimiser le nombre des moments de transition et les allers-retours.
  • Même très jeune, l’enfant peut vivre, de manière positive, dans deux maisons à temps égal ou à peu près égal.

Sur ces trois principes, la résidence alternée donne l’occasion de respecter l’intérêt de l’enfant.

La Cour met deux limites à la résidence alternée, limites qui sont également partagées par les chercheurs :

  • La violence attestée d’un parent sur l’enfant.
  • Un éloignement géographique des résidences des parents qui entraverait le déroulement de la scolarité.

La Cour rejoint aussi des conclusions des études scientifiques quand elle montre que :

  • Les parents n’ont pas besoin d’être coopératifs entre eux ni d’être totalement disponibles en termes d’emploi du temps professionnel pour que la résidence alternée soit décidée.
  • Les souhaits des enfants peuvent être entendus comme des éléments importants et que, en tout état de cause, le temps qui est passé depuis une première décision d’arrangement de résidence constitue un élément nouveau car la vie et les volontés de l’enfant évoluent.

Ces principes semblent indépendants du genre du demandeur. En effet, dans les deux cas rapportés cette semaine et la semaine précédente, ce sont respectivement chez le père et chez la mère que les enfants ont obtenu un temps de résidence plus harmonieux.