Avantages de l’hébergement égalitaire pour les parents d’aujourd’hui

Le numéro 18 de la revue belge Filiatio interroge le sociologue Jacques Marquet sur les avantages et les inconvénients de l’hébergement égalitaire notamment pour les femmes qui travaillent et qui sont séparées. Le sociologue montre comment les réflexions des politiques, les décisions des juges et les pratiques des parents sont encore marquées par le modèle familial de l’entre-deux guerres.

Dans ce modèle, dit « bourgeois », le père représente le gagne-pain et l’autorité alors que la mère est responsable de l’espace privé, de l’éducation, du suivi scolaire, de l’entretien et de l’alimentation. Dans ce type de familles, si la mère travaille, c’est Rubikprincipalement pour compléter le salaire du mari. Cette représentation est entretenue dans les cercles familiaux, à travers les parents et grands-parents, dans les cercles d’amis, au travail et dans la plupart des relations sociales ordinaires. Mais le nombre croissant des femmes exerçant une activité professionnelle égale à celle de leur conjoint pousse certaines juridictions et certaines entreprises à s’adapter. C’est le cas en Flandres et c’est ce qui intéresse la revue Filiatio.

Plus d’égalité entre femmes et hommes dans les entreprises

Pour le sociologue Jacques Marquet, construire l’égalité entre les femmes et les hommes met en jeu trois dimensions : celle de la famille, celle de l’entreprise et celle de la législation. Pour lui, ces dimensions sont liées comme les faces d’un Rubik’s Cube : pour gagner, on doit faire bouger toutes les faces de manière combinée.

Il donne l’exemple du congé de maternité. Quand les politiques ont augmenté le congé de maternité pour les femmes, les conditions d’éducation des jeunes enfants dans la famille ont été améliorées mais la place des femmes en entreprise a été affaiblie et celle des hommes a été renforcée. En rendant obligatoire le congé de paternité, comme dans les pays nordiques ou en France, dans une certaine mesure, on gagne un meilleur équilibre entre femmes et hommes. Selon le sociologue, l’employeur n’a plus le même intérêt à engager systématiquement des hommes et à l’heure de faire son choix, il trouve des avantages et des inconvénients à engager une femme ou un homme. Les femmes trouvent donc de plus grandes opportunités dans les entreprises, même si le plafond de verre est bien présent. Les hommes occupent une place plus responsable dans l’éducation des jeunes enfants.

Il faudrait donc que la législation et la pratique judiciaire s’adaptent à ces situations en cas de divorce.

Le contraste entre les deux régions de Belgique permet d’illustrer cette nécessaire évolution circulaire entre les trois dimensions de l’égalité femmes-hommes. Une adaptation semble en route en Flandres, où beaucoup de femmes travaillent et où les juges décident plus facilement en faveur de la résidence égalitaire. La situation est différente en Wallonie où moins de femmes travaillent et où les juges tranchent plus souvent en faveur de la résidence pleine chez la mère.

Une articulation entre la population de femmes au travail et l’hébergement alterné

Le choix de la résidence alternée dépend aussi d’un paramètre économique. La place de la mère dans la sphère professionnelle et celle du père dans la sphère domestique sont à considérer ensemble.

Les mères qui travaillent et qui s’épanouissent dans leur carrière professionnelle ont avantage à la résidence égalitaire en cas de séparation de leur conjoint. Si le père a profité d’un congé paternité et s’est investi dans l’éducation des enfants, la résidence alternée est un prolongement du fonctionnement égalitaire qui avait prévalu pendant la durée du couple. Les décisions de justice devraient donc tenir compte de manière très forte de ce paramètre : quel a été l’équilibre pratique du couple dans l’éducation des enfants au quotidien avant la séparation ?

De plus, précise le sociologue, certaines mères ne travaillaient pas avant la séparation mais peuvent être motivées à chercher un emploi du fait de l’arrêt de la répartition traditionnelle des rôles qui structurait leur ancien couple. Ces femmes, dit-il, vont se rendre compte que l’alternance d’hébergement favorise leur investissement professionnel. Il précise aussi que certaines femmes ayant vécu sur le modèle ancien peuvent ne plus rien comprendre lorsque la résidence alternée est proposée ou mise en place. C’est alors l’accompagnement de ces femmes, par une structure adaptée, qui leur permettrait d’accepter de vivre pleinement leur vie tout en laissant à leurs enfants le droit de vivre chez leur père la moitié du temps.

Réfléchir de manière systémique et circulaire

Pour Jacques Marquet, « il est urgent de réfléchir de manière systémique et circulaire à propos de toutes les décisions concernant les femmes et les hommes. L’idée consiste à s’obliger à déployer des analyses qui envisagent mère et père ensemble, secteurs professionnel et domestique ensemble, niveau pragmatique et symbolique ensemble. »