Filiation, coparentalité et intérêt de l’enfant : peut-on les penser du point de vue de l’enfant ?#3

Comme nous l’avons écrit, nous avons rencontré des parlementaires, des professionnels de la justice, du droit et des affaires sociales, à propos de l’évolution du droit de la famille dans les configurations sociétales actuelles.

Trois tables rondes étaient organisées dans la salle Victor Hugo, du bâtiment Chaban-Delmas, à deux pas de l’Assemblée Nationale. Nous avions invité des spécialistes pour débattre.

Nous avons cité deux idées fortes de la première intervenante, la philosophe Gabrielle Radica. Le psychiatre de la famille, Serge Hefez a repris ces idées en les éclairant sous l’angle psychologique.

Le troisième intervenant était Hugues Fulchiron, professeur à la faculté de Droit, Directeur du Centre de droit de la famille, Université Lyon III Jean Moulin.

Voici ce que nous retenons de son intervention.

Hugues Fulchiron met en évidence les paradoxes de la société et du droit en ce qui concerne la filiation. Il montre comment les racines du droit sont ancrées dans les cadres de filiation anciens alors que la société évolue très vite. Il ne prétend pas que cela soit chaotique ou anormal mais il pointe que cet écart entre l’état du droit et de la société devrait constituer une opportunité pour modifier nos représentations et adapter le droit. Un parallèle pourrait être établi avec l’état du droit de la famille dont les racines plongent elles aussi dans des représentations anciennes.

L’idée de filiation évolue

Aujourd’hui la notion de la parenté et de la filiation évolue. Nous quittons une vision fondée sur la conception biologique des enfants, même si celle-ci pouvait être médicalement assistée en cas de difficulté du couple. Nous passons à une filiation fondée sur l’engagement individuel des parents, fondée sur le projet parental.

Le projet parental, c’est le choix de deux personnes – voire de plus, dans d’autres pays – d’engendrer un enfant. L’engendrement dépasse la conception en marquant la volonté de participer à la naissance d’un enfant. Se pose alors le problème de la fixation des liens de parenté, de déterminer la filiation et de conserver le lien de l’enfant à ses origines.

La procréation avec assistance médicale est née dans une perspective de thérapie pour les couples hétérosexuels. L’ouverture de la PMA aux femmes bouleverse complément notre conception de la parenté.

Reconnaître la procréation assistée

Le système de filiation ancien, pour les couples hétérosexuels, pouvait se comprendre à l’époque. Il laissait aux parents le soin de révéler ou non le recours à un tiers et à la PMA.

Le système nouveau créé pour les couples de femmes permettra de préciser que l’enfant est né par recours aux gamètes d’un tiers. Si la loi est votée, la modalité de reconnaissance de la filiation qui serait retenue conduira à l’inscription à l’état civil complet de l’existence d’un tiers, d’un donneur. Ce genre d’inscription se pratique déjà pour d’autres modes de filiation, comme l’adoption. Il s’agit donc d’une nouvelle distinction, en plus de celles existant déjà.

La discussion sur la PMA pourrait être une opportunité pour revoir la modalité de filiation dans les couples hétérosexuels, qui, elle, masque le mode de conception. La PMA pour les couples hétérosexuels est pourtant totalement admise socialement, même si pour les parents cela peut être compliqué à vivre et à expliquer aux enfants.

Maintenir la possibilité d’accès aux origines

La question de l’anonymat du donneur pourrait être revue également. Il s’agit de permettre à l’enfant d’avoir accès à des éléments de son histoire. Ce serait le même système que pour l’accouchement sous X, sachant que ce système fonctionne bien puisqu’il a été validé par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. On pourrait transférer ce modèle aux couples ayant recours à la PMA.

La conception qui sous-tend le droit de la famille est extrêmement traditionnelle. On se contente d’étendre le modèle du mariage aux nouveaux couples sans prendre en considération la famille au pluriel. Pour la filiation, on ne sait pas que faire de la personne qui a pris part à la conception. Pour une famille recomposée qui se sépare, c’est la même chose : on a du mal à imaginer le statut du tiers, de la personne qui a pris soin de l’enfant sans qu’il en soit le parent biologique.

Cependant, le droit n’est que le reflet de la société et de la volonté politique.