Plus de 30 000 personnes ont lu notre article dans The Conversation

Pas de pause estivale pour les personnes intéressées par la coparentalité et le devenir des enfants après la séparation de leurs parents ! L’article publié dans The Conversation a franchi un nouveau plafond puisqu’il a été lu par près de 31 000 personnes ! Cette diffusion montre que ce texte correspond à une attente d’un très large public pour qui la résidence alternée est une question sociale et politique.

The conversation

A partir de cet article, ce billet propose un changement de la loi française actuelle.

La fabrique de l’inégalité entre les parents

L’égalité femmes-hommes se construit au niveau professionnel et familial. Elle devrait continuer à se construire après la séparation du couple parental.

Chaque année, on compte environ 120 000 divorces et près de 80 000 ruptures de PACS, sans compter les situations de concubinage. Cumulé d’année en année, le total est imposant et appelle des solutions politiques inventives lorsque des enfants sont concernés. En effet, selon le ministère de la Justice, ce sont près de 200 000 enfants par an qui sont concernés par le divorce ou la séparation de leurs parents.

La manière dont s’arrangent les parents et dont procède la justice familiale fait que la plupart des enfants sont en résidence pleine chez un seul parent, très souvent la mère.

Cela crée des mères responsables de foyers monoparentaux, avec tous les inconvénients que l’on connaît.

Cela fabrique aussi des pères isolés qui sont réduits au rôle de visiteurs de leurs enfants et qui ne les rencontrent souvent que sur des temps de loisirs, bien éloignés de la vie éducative et affective du quotidien.

Petit à petit, près de 20% des enfants séparés ne voient plus du tout leur père.

Une situation défavorable aux enfants et aux adolescents de couples séparés

Les conséquences sur les enfants de ce type d’arrangement entre les parents qui se séparent sont aujourd’hui bien documentées par les recherches internationales. Les résultats convergent pour dire que ces enfants sont désavantagés par la rupture d’un lien éducatif et affectif essentiel.

En Suède, où la résidence alternée est quasiment une norme pour les couples, il est possible de conduire des études statistiques sur de larges populations. Lors de la Conférence Internationale sur la Résidence Alternée de Boston 2017, la professeure Malin Bergström et son équipe ont confirmé les résultats obtenus depuis plusieurs années.

Ce qui est nouveau dans les études de l’équipe suédoise c’est que ces résultats s’étendent maintenant aux très jeunes enfants, en dessous de 3 ans et confirment ainsi d’autre recherches (voir notre billet du 18 janvier 2017).

Ces études montrent que les enfants et les adolescents qui vivent en résidence alternée égalitaire ont un niveau de bienêtre presque équivalent à celui des enfants vivant avec leurs deux parents.

Cela n’est pas le cas pour les enfants qui vivent presque tout le temps avec un seul parent, souvent la mère. Ces conséquences négatives concernent notamment leur santé, et particulièrement les problèmes d’addiction et d’alimentation (voir notre billet du 30 novembre 2016).

Ces études à large échelle devraient conduire les politiques publiques.

Malheureusement, les responsables français se réfèrent souvent au témoignage de quelques experts, centrés sur leur pratique personnelle (voire notre billet du 8 février 2017). Les médias montrent d’ailleurs que ces experts ne sont pas aussi unanimes que certains le laissent penser (voir notre billet du 15 mars 2017).

Modifier la loi pour atténuer les conséquences de la séparation pour les enfants

La loi française autorise la résidence alternée mais elle n’incite ni les couples ni les professionnels de la justice à la choisir en priorité. Il faut changer la loi dans ce sens.

Pour le CIRA/ICSP et les chercheurs, la résidence alternée commence à partir d’un tiers du temps avec un parent, soit l’arrangement 9-5 jours, souvent appelé « classique élargi » en France. La résidence alternée égalitaire ne correspond pas uniquement à l’alternance 7-7 jours car elle peut prendre d’autres formes selon l’âge des enfants. Ainsi, certains parents semblent satisfaits de la régularité procurée par l’alternance 2-2-5-5, dans laquelle les enfants vivent chez un parent deux jours de semaine, toujours les mêmes, et un week-end sur deux. La durée d’éloignement maximum est alors de 5 jours (lire les témoignages publiés dans nos billets des 16 et 23 novembre et du 7 décembre 2016).

Ce qui importe c’est de réduire la proportion d’enfants qui voient un des deux parents moins d’un tiers de temps. En France cela correspond à réduire la fréquence de l’arrangement dit « classique », c’est-à-dire un week-end sur deux, soit 12-2 jours par quinzaine.

Dans cette perspective, la loi française devrait comprendre trois points essentiels :

  • Fixer la résidence alternée égalitaire comme une première option qui est proposée aux couples qui se séparent et qui est étudiée avec eux par les juges et les avocats.
  • Demander au tribunal des justifications supplémentaires et référée au cas particulier traité pour décider de l’arrangement le plus strict d’un week-end sur deux, c’est-à-dire de l’alternance 12-2 jours. Cette décision devrait être revue automatiquement sous six mois. Le but et de restreindre la résidence « un week-end sur deux, strict », la plus préjudiciable aux enfants, à des cas très sensibles.
  • Faciliter l’adaptation de l’arrangement de résidence lors de chacune des grandes étapes de la vie de l’enfant, sans que les parents soient obligés de faire appel à un avocat et de porter l’affaire en justice.

Le point 1 n’est pas une contrainte au JAF mais a pour but de changer l’ordre des priorités. Il semble que de nombreux JAF pratiquent déjà ainsi et le changement de loi généraliserait cette attitude en direction de plus d’égalité à l’intérieur des couples en ce qui concerne l’éducation des enfants et d’un respect plus efficace de leur bienêtre et de leur intérêt.

Le point 2 permettrait de réduire le nombre de situations qui nourrissent le non-respect de la coparentalité, voir la rupture du lien entre les enfants et un des deux parents. Nous savons que cette rupture de lien empire les difficultés dues à la séparation des parents.

Le point 3 réduirait les recours à la justice alors qu’une conciliation suffirait pour adapter l’arrangement de résidence au développement des enfants.

Ces solutions sont déjà en place dans d’autres pays

De nombreux états, en Europe et ailleurs, ont créé des lois qui incitent les parents et les professionnels des affaires familiales à choisir la résidence alternée égalitaire.

En Suède, depuis 1998, la résidence alternée est le premier choix proposé aux couples qui divorcent et elle peut être imposée par le juge. Cette loi n’a été modifiée que marginalement depuis (voir notre billet du 27 janvier 2016).

En Belgique, la loi de 2006 a fait que plus de pères demandent la « garde » alternée égalitaire (voir notre billet du 21 septembre 2016).

L’association des femmes pour la résidence alternée (Leading Women for Shared-Parenting) propose, aux Etats-Unis, une nouvelle déclinaison de la loi de manière à préserver les relations des enfants avec les deux parents. Après d’autres États, le Kentucky vient de voter une loi posant la résidence alternée comme première option légale (voir notre billet du 7 juin 2017).

L’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, sous l’impulsion de la députée du Luxembourg Françoise Hetto-Gaach, a adopté le 2 octobre 2015 une résolution qui prône un équilibre femmes-hommes dans l’éducation des enfants, notamment en cas de divorce. Elle demande la diffusion de la résidence alternée (lire le compterendu de la rencontre du CIRA/ICSP avec Françoise Hetto-Gaach dans notre billet du 29 juin 2016).

Il existe donc un espace pour des politiques familiales innovantes en France.

Le Président Emmanuel Macron, durant la campagne présidentielle, s’était d’ailleurs montré favorable à une large promotion de la résidence alternée égalitaire (voir nos billets des 4 et 10 mai 2017).

La nouvelle Assemblée Nationale et le gouvernement devraient donc s’emparer de cette question qui dépasse les clivages politiques traditionnels.