Avoir la volonté politique d’améliorer le sort des enfants des couples séparés

Les responsables politiques, y compris l’actuelle ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes, ne voient pas tous, loin de là, la nécessité de modifier la loi sur le mode de résidence des enfants de parents séparés. Ces personnes ont recours à quelques arguments, toujours les mêmes. Ces justifications, de plus en plus usées, leur permettent de conserver le statu quo quant aux rôles de chaque parent dans la famille (voir notre billet du 16 mars 2016).

sully-facadeCes justifications tiennent à l’âge des enfants et au respect des demandes des parents.

L’âge des enfants n’est pas un critère pour bloquer la résidence alternée

Les responsables au ministère aiment dire que toutes les décisions sont prises de manière réfléchie au regard de l’intérêt de l’enfant, de son équilibre et de son développement. Ces personnes se réfèrent ensuite à quelques spécialistes qui déclarent que la résidence alternée est nuisible aux jeunes enfants. Du coup, certains juges ont tendance à penser que le meilleur intérêt du jeune est la résidence pleine chez un parent, souvent la mère.

Ces spécialistes, se référant souvent à des explications d’ordre psychanalytique, ne sont pourtant pas d’accord, entre eux et dans la durée, sur l’âge à partir duquel la résidence alternée serait possible.

En 2014, des centaines de professionnels français, à la suite d’éminents pédopsychiatres, ont signé une pétition demandant « que la loi inscrive l’interdiction d’ordonner une résidence alternée pour un enfant âgé de moins de six ans ». Pourquoi six ans ? Nul ne le sait trop mais la pétition fait référence à une vaste étude australienne pour se justifier.

Au même moment, aux États-Unis, un article scientifique cosigné par 110 experts internationaux fait l’analyse des études sur la question et prouve que la résidence alternée est bénéfique aux très jeunes enfants. Cet article critique et démonte la « vaste étude australienne » qui comporte de nombreuses erreurs de méthode et donc de faux résultats. Attention, par résidence alternée il n’est pas entendu une alternance d’une semaine sur deux car cela est impensable pour tout le monde à cet âge. Il est entendu de passer au moins 35% du temps avec un parent en comprenant des nuitées dès le plus jeune âge. Cet arrangement a des répercussions favorables jusqu’à l’âge adulte (voir nos billets du 23 mars et du 11 mai 2016).

Aujourd’hui, pour les pédopsychiatres nationaux la limite d’acceptabilité de la résidence alternée semble avoir changé. Ainsi, selon une récente interview de Nicole Prieur « de nombreux psys recommandent de l’éviter avant les 2-3 ans de l’enfant. »

Pourquoi les psys français ne se rangent-ils pas clairement à l’avis des scientifiques internationaux ?

Comment certains pédopsychiatres et certains politiques peuvent justifier qu’il est bon pour l’enfant d’être séparé de l’un de ses deux parents durant 12 jours sur 14 ? Car c’est à cela que revient l’arrangement classique « un week-end sur deux ».

Les demandes officielles des couples ne justifient pas le conservatisme

Les responsables au ministère aiment dire aussi que la Justice ne fait que suivre l’état de l’opinion. Selon leurs enquêtes, les décisions de justice entérinent la quasi-totalité des demandes des pères (93%) et des couples (80%), sachant que la résidence chez la mère est demandée à 71%. Pour ces personnes tout va donc bien dans le meilleur des mondes des droits de l’enfant.

Ces responsables ne voient pas la contradiction entre leur attitude conservatrice vis-à-vis des familles séparées et leur volonté de donner plus de droits aux femmes dans la direction des entreprises ou dans la vie politique. Dans ces deux domaines, ce sont pourtant les contraintes ou les opportunités de la loi qui provoquent des changements.

En Belgique, la promulgation de la loi sur la résidence alternée égalitaire a fait que plus de couples séparés et plus de pères ont demandé la résidence alternée (voir notre billet du 21 septembre 2016).

Pourquoi la loi française ne s’inspirerait-elle pas de la loi belge ?