Violences aux enfants : changer les lois et les pratiques

Nous suspendons un temps notre compte rendu de la conférence CIRA/ICSP Strasbourg 2018 pour aborder un thème d’actualité, celui des violences domestiques et particulièrement des violences sur les enfants.

Le 29 novembre dernier, la proposition de loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires a été adoptée en première lecture, avec modifications, par l’Assemblée Nationale. Le texte est en attente de vote au Sénat.

La proposition de loi  s’inscrit dans la perspective tracée lors de la conférence CIRA/ICSP Strasbourg 2018 puisqu’elle vise à mettre en accord les lois nationales avec les réglementations internationales.

La discussion parlementaire ouvre une fenêtre vers des situations peu mises en avant et qui touchent directement le devenir des enfants.

Des chiffres alarmant sur la violence subie par les enfants

La discussion lors de la commission des lois est très éclairante de la situation des enfants face à la violence domestique.

La ministre de la Santé, Mme Agnès Buzyn, déclare ainsi : « Je voudrais vous présenter quelques chiffres qui, personnellement, me saisissent d’effroi. En 2017, 47 745 mineurs ont été victimes de violences, de mauvais traitements et d’abandon et 23 738 mineurs ont été victimes de violences sexuelles. Entre 2012 et 2016, 363 enfants ont succombé à des violences, soit une sinistre moyenne de 72 enfants morts chaque année. Ces chiffres sont révoltants et ils ne reflètent que partiellement la réalité, puisqu’ils découlent des seuls faits portés à la connaissance des autorités de police et de gendarmerie. Nous devons encore faire de grands progrès pour mieux mesurer l’ampleur du phénomène, et surtout pour mieux le prévenir. »

Plusieurs statistiques sont disponibles à ce sujet. Elles diffèrent selon qu’elles proviennent de la justice, de la police, ou de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Les données du ministère représentent vraisemblablement le plancher, comme le précise la ministre.

Mettre les lois et les pratiques en accord avec les textes internationaux

Selon l’exposé des motifs de la proposition de loi déposée par Mme la députée Maud Petit et plusieurs de ses collègues, il s’agit de rendre notre législation conforme à l’article 19 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, à l’article 17 de la Charte Européenne des Droits sociaux et à des rappels de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Cette proposition de loi s’inscrit dans une perspective proche de celle de la conférence CIRA/ICSP Strasbourg 2018 qui porte sur l’adaptation des lois et pratiques en cas de rupture parentale.

Les textes internationaux de référence étaient les mêmes que ceux utilisés par l’Assemblée Nationale pour traiter des violences éducatives subies, à la maison, par les enfants.

Une loi pour changer les pratiques de choix de résidence après séparation

Dans l’exposé des motifs, les 53 députées et députés qui proposent cette loi déclarent : « Certains peuvent être tentés de penser que l’information sur les effets nocifs des punitions corporelles et des humiliations suffirait à faire évoluer l’opinion publique et les comportements, sans qu’il ne soit nécessaire de l’opinion publique et les comportements, sans qu’il ne soit nécessaire de recourir à une loi.

Une étude parue en 2012 dans la revue Déviance et Société (p. 85 à 106) a comparé l’impact, en Europe, de l’interdiction des châtiments corporels dans plusieurs pays, dont la France.

Cette étude a prouvé que seule la loi d’interdiction, accompagnée de mesures de sensibilisation, de lieux de soutien et d’accompagnement aux parents, de formations à la parentalité et de campagnes d’information, nationales et permanentes, permet d’obtenir un changement rapide de l’opinion publique et des comportements, et ainsi faire changer rapidement ces pratiques. »

Nous pouvons penser qu’il en serait de même pour le développement de la résidence alternée. Certes, la loi de 2002 autorise cette pratique mais sans la mettre en avant.  Pourtant, les études scientifiques récentes convergent pour montrer les bénéfices de la résidence alternée égalitaire pour les enfants, même très jeunes, et pour les adolescents.

C’est ce que nous avons détaillé dans un article signé par 4 scientifiques dans le journal The Conversation (en français et en anglais).

Une loi qui demanderait aux juges de privilégier les modalités de résidence visant à rendre le plus équilibré possible le temps que l’enfant peut passer avec chacun de ses parents séparés pourrait, elle aussi, changer les pratiques.