Témoignage : prendre garde aux détails de l’arrangement

Nous poursuivons la publication de témoignages qui montrent la diversité des pratiques de résidence alternée dans lesquelles les parents se débrouillent pour que leurs enfants puissent continuer à vivre avec chacun d’eux, malgré la séparation du couple.

Le premier témoignage, celui de Didier, père de deux jeunes enfants, montre comment la résidence alternée peut apaiser le conflit entre les parents (voir le billet du 16 novembre 2016). Le deuxième témoignage, celui d’Alexia, la mère de deux jeunes enfants également, montre comment la médiation, même en l’absence de conflit parental, peut faciliter la poursuite de la résidence alternée, notamment en permettant d’aborder les questions financières (voir le billet du 23 novembre 2016). Dans les deux cas, les enfants ont des résultats scolaires satisfaisants et sont en bonne santé. Dans les deux cas, contrairement à une idée reçue, les parents ne sont pas particulièrement aisés.

Aujourd’hui nous poursuivons avec le témoignage d’un père, que nous appellerons Enpere-deux-enfantszo.

Ce père de deux enfants est séparé de leur mère depuis près de 6 ans. Lors de la séparation, les enfants avaient 3 et 6 ans. Les parents sont petit artisan et travailleur indépendant.

Ce témoignage est long et riche. Nous le traiterons en plusieurs billets.

Une alternance qui a évolué

Lors de la séparation, les enfants ont 3 et 6 ans. Les parents choisissent un arrangement 2-2-5-5 (lundi-mardi chez la mère/ mercredi jeudi chez le père/ vendredi-samedi-dimanche chez la mère, et l’inverse la semaine suivante, ce qui permet un week-end sur deux chez chaque parent). Ils veulent ainsi  « offrir aux enfants le temps de s’adapter à leur séparation » dit le père. Un an plus tard, comme ils l’avaient prévu, ils ont signé un accord de médiation 6 jours/8 jours, avec changement de résidence les mercredis. Mais, deux semaines après l’accord de médiation, la mère l’a rejeté. Le père a alors saisi la justice, qui a accepté la résidence alternée en attendant le résultat de l’enquête sociale.

Au final, 18 mois plus tard, le juge a décidé que l’organisation resterait la même : 6 jours pour le père, 8 jours pour la mère en période scolaire, la moitié des vacances. Les changements de résidence se font les lundis ou mardis soir. Mais le juge a aussi décidé que la résidence principale serait chez la mère, avec un droit de visite élargi pour le père. Celui-ci doit payer la moitié des charges, mais pas de pension alimentaire.

Le père explique : « Je n’ai pas fait appel de la décision car je n’ai pas voulu envenimer la situation et aussi sous les conseils de mon avocat, qui m’a fait peur en me disant que si le juge en appel était pire, je pourrais me retrouver avec moins de temps passé avec mes enfants. »

Il apprendra, ensuite, que le fait de ne pas faire appel indique qu’il est d’accord avec le jugement.

Un jour de transition qui génère des conflits

Enzo souhaitait que les transitions aient lieu le vendredi soir car l’arrangement décidé par le juge pose des problèmes. Il ne parvient pas à faire prendre en compte ces problèmes par le juge, malgré ses explications.

Les enfants arrivent chez le parent le lundi ou le mardi soir, en pleine semaine scolaire.  Ils doivent rester dans le rythme scolaire (devoirs + couchage tôt), alors qu’ils souhaitent plutôt passer du temps à jouer avec le parent chez qui ils arrivent et à retrouver leur demi-sœur dans la famille recomposée du père.

Lors des vacances scolaires, le problème vient qu’elles ne commencent généralement ni un lundi ni un mardi. Cela complique le planning et crée de nombreux conflits parentaux. Ainsi, Enzo raconte : « à la rentrée scolaire dernière, nous nous étions mis d’accord pour une transition le mardi matin, jour de la rentrée, mais la mère a changé d’avis au dernier moment, voulant revenir au jugement strict qui instaurait le changement de résidence le lundi soir. Elle a porté plainte à la gendarmerie pour non présentation d’enfants. La police m’avait assuré que j’étais dans mon bon droit. Malgré tout, le procureur a donné gain de cause à la mère et m’a fait un rappel à la loi. Ce que je trouve incompréhensible et injuste. »

Il apprendra, ensuite, que dès qu’un accord est dénoncé par l’un des parents, c’est à nouveau le jugement qui fait référence.

De plus, l’alternance 6/8 fait que, au début ou en fin de vacances, les enfants se retrouvent à ne pas voir le père ou la mère pendant une semaine supplémentaire. Dans le cas d’Enzo, par exemple, les enfants étaient avec la mère la semaine avant les vacances et les deux premières semaines de vacances d’été et, de ce fait, ils ont passé 3 semaines sans voir leur père et sa famille. On retrouve alors les mêmes « tunnels » que vivent les enfants de l’arrangement 12-2 (voir notre billet du 12 octobre 2016).

Sur le plan professionnel, comme Enzo travaille à domicile, il peut s’organiser pour être disponible pour les enfants les semaines où ils sont là. Cependant, les changements de résidence en milieu de semaine lui posent des difficultés d’organisation pour les déplacements professionnels. En général, il organise des déplacements les semaines où ses enfants ne sont pas là mais le temps disponible pour ces déplacements est réduit du fait que les transitions se passent en cours de semaine.

La question de la fabrique de la décision de justice

Cette décision de justice qui valide une transition les lundi ou mardi pose donc des problèmes pratiques importants. Pour les enfants, dont le rythme scolaire est perturbé. Pour le père, qui voit son activité professionnelle entravée. Pour les parents car cet arrangement inhabituel génère et envenime les conflits.

Ce témoignage pose donc la question de la fabrique de l’arrangement de résidence et de celle de la décision de justice qui le valide. Nous poursuivrons cette question dans le billet suivant.

Appel à témoignages

Ce témoignage a été recueilli par téléphone et questionnaire écrit. Le billet publié ici a été validé par l’interviewé.

D’autres témoignages d’expérience de résidence alternée sont bienvenus. Merci de nous contacter à partir du blog pour que nous vous donnions la procédure de recueil des témoignages.