Quelques spécialistes interrogés par le CESE sur les conséquences de la séparation parentale

Sur le site internet du CESE, on trouve 8 brefs entretiens avec des spécialistes du divorce et de la séparation. Le moins que l’on puisse dire c’est que ces 8 personnes délivrent un point de vue très partiel de la situation.

On se demande comment le CESE et les deux rapporteures – Pascale Coton qui est vice-présidente de la CFTC et représentante des salariés et Geneviève Roy qui est hôtelière et représentante des entreprises privées industrielles, commerciales et de services – vont pouvoir écrire un avis à partir d’un échantillon si réduit et focalisé.

Cette étude se place dans le cadre de la loi sur le divorce par consentement mutuel dont nous avons parlé la semaine dernière. Voyons ce que disent les spécialistes choisis par le CESE.

Une seule personne vient du monde de la recherche

Benoit BASTARD est sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS et membre de l’Institut des sciences sociales politique de l’Ecole normale supérieure de Cachan. C’est le seul chercheur interrogé.

Il soutient la réforme récente de la loi du divorce par consentement mutuel (DCM) car, selon lui, les gens arrivent assez bien par eux-mêmes à réorganiser leurs liens familiaux sans que l’Etat s’en mêle. Cependant, il alerte sur les gardes fous nécessaires à la protection de l’enfant dans le cadre du DCM : faut-il donner des moyens aux juges ? est-ce que les avocat.es porteront attention au meilleur intérêt de l’enfant ? quelle place à la médiation alors que déjà trois personnes, deux avocat.es et un.e notaire, seront obligatoirement mobilisées ?

Il appelle à un soutien à tous les parents pour organiser la coparentalité, pour réfléchir ensemble, avant la séparation et diffuser la bonne parentalité. Des dispositifs existent déjà : relais d’écoute, d’appui et d’accompagnement, café des parents, espaces de rencontre. Pour lui, dès les débuts de l’union, il faut construire avec les parents, des compétences de coparentalité qui sont utiles dans la vie courante et qui deviendront essentielles en cas de difficultés.

Deux hommes de loi font un point sur la situation juridique

Didier MALINOSKY, Juge des affaires familiales du TGI Paris, fait un historique de la loi sur la séparation et le fonctionnement de la justice familiale du point de vue de l’administration. Il n’y a pas nouveauté dans cette présentation qui répond à la commande de faire un état de la législation. La nouvelle loi sur le DCM n’est pas évoquée mais, par définition, ces divorces ne concernent pas la justice.

Jean-Pierre ROSENCZVEIG est bien connu des médias et des diverses commissions gouvernementales comme ancien président du Tribunal pour enfants de Bobigny. Il montre comment la loi sur la coparentalité a amélioré le sort des parents et des enfants. Cependant, en homme de média confirmé, il dramatise et centre son propos sur la difficulté de la séparation, la violence, parfois très grande qui peut exister. Le paroxysme est atteint avec l’intervention du JDE, très rare dit-il mais qui existe… et qui occupe une bonne part de son intervention.

Il attire l’attention sur les potentiels dangers de la nouvelle loi sur le DCM : qui peut garantir que l’accord devant le notaire ne se fera pas aux dépens de l’enfant ?

Deux responsables institutionnelles représentent la CAF

Pauline DOMINGO est directrice du département enfance, jeunesse et parentalité à la CAF. Elle présente la palette de services qui visent à s’adapter au plus près des difficultés rencontrées par les parents au moment de la séparation. Elle n’est pas interrogée sur les difficultés et les dysfonctionnements de ces services. Et c’est dommage !

Marie-Christine d’AVRINCOURT est directrice de l’Agence de recouvrement des impayés des pensions alimentaires mise en place début 2017. Cette agence s’occupe des 30 à 40 % d’impayés. Comme la procédure de recouvrement est difficile à mettre en œuvre par les personnes seules, elles bénéficient de l’appui de la CAF.

Elle détaille les procédures de saisie sur rémunération ou sur des comptes bancaires. Elle insiste sur la difficulté d’accès au débiteur qui n’a pas toujours conscience de ses responsabilités, qui peut être insolvable et qui parfois réside à l’étranger. Nous sommes là dans des cas très particuliers. Même s’ils sont importants, ils ne représentent pas le cas général.

Seules deux associations sont représentées

Eliane LARBOULETTE est présidente de la Fédération syndicale des familles monoparentales. Elle explique que sa fédération qui a 50 ans (qui au début s’appelait « femmes chefs de famille ») et a beaucoup œuvré pour la reconnaissance des droits des femmes (80 % des familles monoparentales sont des femmes seules), pour changer le code de la famille et pour lutter contre la stigmatisation de ces familles et de leurs enfants.

Pour elle, les relations entre les parents doivent se poursuivre après la séparation car la monoparentalité n’est pas une réponse pour les enfants mais la coparentalité peut être une réponse à leurs difficultés. Sa fédération organise des ateliers de réflexion sur l’autorité au quotidien, le regard de l’autre, les lois, l’accompagnement des personnes à la justice. Malheureusement, elle diffuse de fausses représentations qui vont desservir certaines familles puisque, pour elle, la résidence alternée n’est pas une demande à faire avant 3 ans car l’enfant « n’est pas un colis ».

Sur le volet financier, elle attire l’attention sur un dysfonctionnement dû à la législation. Comme l’allocation de soutien familial est supprimée en l’absence de décision judiciaire, cela entraine des conflits qui n’auraient pas eu lieu autrement. Pour elle, la médiation est une réponse pour éviter le conflit.

Le versement de la pension alimentaire peut être également un gros conflit dont l’enfant subit les conséquences. Pour elle, cela correspond à une manipulation du père qui fait pression sur la mère en prenant l’enfant en otage.

Selon elle, dans 30 % des cas les pères ne voient plus leur enfant dans les 3 ans. Cela tiendrait, entre autres, à ce que la reconnaissance en mairie est trop formelle et, qu’ainsi, les pères ne sont pas assez responsabilisés. Selon elle, certains ne revoient plus leur enfant après cette reconnaissance rapide.

Emmanuelle MORAËL est chargée de mission à la Fédération française des espaces rencontres pour le maintien de la relation parents-enfants. Elle aussi fait un état des lieux à propos de ces espaces de rencontres qui sont très importants mais, qui encore une fois, ne concernent que des cas très particuliers : les parents qui ne voient plus ou qui parfois ne connaissent pas leur enfant, notamment lors des sorties de prison.

Les aspects psychologiques sont abordés à travers la pédopsychiatrie

Bernard GOLSE est lui aussi bien connu des médias et des commissions gouvernementales comme chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker-Enfants malades. Comme nous l’avons mentionné plusieurs fois dans ce blog, il porte un point de vue de soignant, qui est respectable, mais qui ne traduit pas le cas de la majorité des enfants de familles séparées (voir notre billet du 8 février 2017).

Il maintient ses idées sur l’attachement primaire à un seul parent sans dire qu’il s’agit d’une conception qui n’est pas partagée par tous ses collègues. Il maintient ses deux bornes, tout autant arbitraires : au-dessus de 6 ans où la résidence alternée serait possible et en dessous de 3 ans où elle ne le serait pas. Ici encore, les recherches allant à l’encontre de cette opinion ne sont pas mentionnées, ni le cas des enfants de 3 à 6 ans qui, quand on l’écoute, semblent errer dans une zone inconnue.

Lui aussi, en homme rompu aux médias, dramatise son propos. Il insiste sur les troubles issus de la séparation des parents et n’évoque jamais les avantages de tel ou tel arrangement pour le bienêtre des enfants.

Concernant la nouvelle loi sur le DCM, il insiste sur la question de la demande d’audition portée par l’enfant au juge. Selon lui tous les enfants devraient être écoutés mais ils ne doivent pas pouvoir penser que c’est eux qui décident. Pour un enfant, c’est une question impossible à trancher que de décider entre la résidence chez l’un ou l’autre des parents.

Que retenir de ces entretiens

C’est ce que nous verrons la semaine prochaine.

Mais vous avez certainement des idées, alors activez vos réseaux et discutez-les !