Le conflit des parents doit-il décider de la résidence des enfants ?

La dernière conférence du CIRA/ICSP a rassemblé de nombreux délégués du monde entier, dont des journalistes de l’excellente revue belge Filiatio. Cette revue a publié un dossier à propos du conseil international de la résidence alternée qui rassemble, à part égale, des chercheurs, des professionnels et des acteurs de la société civile et dont les instances sont paritaires.

CIRA

L’un des articles fait le point sur la question du rôle du conflit parental dans la mise en place du mode de résidence des enfants. L’article rapporte un entretien avec Chantal Clot-Grangeat, psychothérapeute, docteur en psychologie et vice-présidente du CIRA/ICSP en tant que professionnelle. La revue de 33 articles de recherche qu’elle a réalisée lui permet d’affirmer que l’on ne peut pas statuer sur l’incompatibilité entre résidence alternée et conflit des parents.

D’une part, la psychologue relève que la définition du terme même de conflit n’est pas fixée d’un article à l’autre. D’autre part, elle note que les effets du conflit ne sont pas directs car ils sont médiés, filtrés, par d’autres facteurs.

Les articles montrent ainsi que le conflit agit différemment selon la maturité cognitive et émotionnelle des enfants.Ils conduisent à noter que l’action négative du conflit peut être réduite par le mode d’interaction d’un ou des parents avec les enfants : par exemple, en expliquant la situation aux enfants sans les rendre responsables et sans les impliquer dans le conflit.

Derrière le conflit se confondent les notions de violence, simple désaccord et procédure légale

Cette revue de littérature montre que quand on parle de conflit, sont souvent confondues de réelles situations de violence, physiques ou morales, avec de simples discordes ou des procédures judiciaires tout à fait légales. Elle montre aussi que les différentes dimensions des conflits sont rarement distinguées. Or, un rôle déterminant est vraisemblablement joué par l’intensité, la fréquence, la modalité d’expression, le mode de résolution ou le contenu du conflit.

Des recherches sont donc à mener avant de justifier le mode de résidence en arguant d’un conflit entre les parents.

Le conflit parental n’est pas suffisant pour prendre des décisions de justice

La synthèse de Clot-Grangeat prolonge celle de Linda Nielsen en 2013 qui note que depuis les années 2000, une succession de 25 recherches démontre de manière concordante l’importance pour les enfants d’un temps de présence fréquent, régulier et important avec leurs deux parents. Ces recherches montrent aussi que le rôle des conflits entre les parents est très exagéré.

Premièrement, le niveau de conflit entre les parents n’a jamais été défini et, de ce fait, il est utilisé selon leurs convenances par les différents protagonistes de la politique familiale. Le conflit sert d’arme devant les juges pour certains parents qui cherchent à l’augmenter et à en tirer profit à leur propre compte.

Deuxièmement, si le conflit n’est jamais bénéfique aux enfants, il n’est pas forcément destructeur. Le conflit peut en effet se fonder sur le désir sincère d’un ou des parents d’agir pour le bien des enfants. De plus, il s’atténue souvent avec le temps, les débuts de la séparation étant souvent plus conflictuels.

Troisièmement, si le conflit est insoluble, les parents peuvent s’organiser de manière parallèle. Le temps de transition peut se caler sur le temps de l’école ou utiliser un autre lieu tiers.

Les parents séparés doivent-ils être plus coopératifs que les autres ?

Les recherches présentées par Nielsen concluent donc que pour que la résidence alternée soit bénéfique aux enfants, les parents n’ont pas besoin d’être exceptionnellement coopératifs, débarrassés des graves conflits, d’avoir un haut niveau d’étude ou des revenus élevés. Ils n’ont même pas besoin d’être très enthousiastes à l’idée de partager le temps.

Il suffit qu’ils aient la volonté de tout faire pour que leurs enfants aient la chance de construire, d’entretenir et d’améliorer des relations significatives, proches et régulières avec leurs deux parents. Les jeunes adultes qui ont vécu ce partage égalitaire entre leurs deux parents disent que, compte tenu de la séparation, c’était un arrangement qui leur a convenu.

En cas de conflit des parents, il est donc assez simpliste d’ordonner prioritairement la résidence pleine chez l’un des parents, souvent la mère. De toutes manières, des discussions doivent exister entre les deux parents, la coparentalité étant toujours active, au moins en droit. Mieux vaut donc mettre en place une médiation ciblée sur la mise en place concrète de la résidence alternée : comment organiser les échanges entre les parents (jours de résidence, partage des frais, soin des enfants, etc.) et comment respecter les droits des enfants à vivre comme tous les autres enfants de leur âge.

Enfin, qui peut prétendre que même dans les familles unies il n’y a pas de désaccords, voire de conflits, dans le couple autour de l’éducation des enfants ?