Être père, être mère : c’est toujours un chantier mobile !

A l’occasion de l’enquête « Etre père aujourd’hui » conduite par l’UNAF, France Inter a invité Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste, responsable de l’unité de thérapie familiale à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, et Michel Fize, sociologue, à l’occasion du Téléphone Sonne. Le thème de l’émission était : « Les nouveaux pères, ou pères modernes sont de plus en plus sur un pied d’égalité avec la mère. Partage des tâches, de l’autorité et de l’affection. Nouvelle norme, ou mode ? »

chantierLes propos du journaliste, les réponses des invités, les témoignages et les réactions des auditeurs et des auditrices, montrent que la question de l’équilibre entre père et mère dans le couple est toujours un chantier. Et un chantier en plein mouvement !

L’équilibre entre les femmes et les hommes se construit petit à petit

Tout au long de l’émission, beaucoup de représentations, sans véritables fondements scientifiques, viennent piéger la réflexion sur ce sujet important. Est-ce que les femmes ont naturellement le sens de l’organisation des choses de la famille ? Est-ce que le père traditionnel cachait ses sentiments alors que la mère les cultivait ? Est-ce que l’autorité c’est le père et la compréhension c’est la mère ?

Toutes ces questions bousculent les pères et mères d’aujourd’hui, y compris quand ils sont journalistes ou scientifiques. Et on peut imaginer qu’il en est de même quand ils sont juges ou travailleurs sociaux.

C’est pourquoi Serge Hefez précise que ce chantier de l’équilibre entre les femmes et les hommes est aussi un chantier de déconstruction : il nous faut déconstruire tout ce que la société nous a mis en tête sur le rôle soit disant « naturel » des pères et des mères.

Le rôle de père ou de mère n’est pas inscrit dans les gènes

Une auditrice, par exemple, explique que la femme a dans ses gènes le goût des choses du ménage et le plaisir de l’organisation de la famille, qu’elle peut gérer bébé, le lave-vaisselle et la préparation du pique-nique à la plage en même temps. Le psychiatre et psychanalyste lui répond que les mères sont identifiées à leur mère qui elles-mêmes sont identifiées à leur mère, au point de trouver naturel d’aimer s’investir dans ces tâches ménagères et éducatives de manière exclusive.

Pour Serge Hefez, cette transmission est culturelle et historique : ce sont des acquis sociaux, des façons dont nous sommes formatés depuis notre naissance pour nous sentir garçon ou fille. Elle marque, dans la société, ce que doit être une femme pour être une bonne mère et une bonne épouse.

Aujourd’hui les rôles des femmes et des hommes sont moins rigides qu’il y a quelques décennies. Cette fluidité des rôles des pères et des mères fait qu’il y a moins de certitudes sur la compétence de chacun. Qu’est-ce qu’un bon père, une bonne mère aujourd’hui ? Cela s’invente, se construit, et ce n’est pas facile au quotidien dans les familles. D’autant plus dans l’éventail des familles d’aujourd’hui qui peuvent être pacsées, mariées, séparées, recomposées, d’accueil, de parents de même sexe, etc.

Serge Hefez indique que beaucoup de conflits dans les couples viennent de la conviction que ces rôles sont innés, voire physiologiques. Comment s’échanger les tâches et les compétences dans le couple si le père ou la mère, ou les deux, pensent que savoir s’occuper de la maison et des enfants est inscrit dans les gènes des femmes ? Il note que beaucoup de couples ne résistent pas à ces interrogations tellement il est difficile de lutter contre la reproduction.

Dans ces cas de séparations, plutôt fréquents, la société, et notamment la justice, devrait respecter ces nouvelles manières de se compléter dans l’éducation et le soin des enfants. Même quand le couple se sépare, les parents restent toujours les parents et les arrangements de résidence devraient respecter l’égalité du partage des rôles qu’ils ont à construire, même si elle est fragile car toujours en chantier.