L’enfant bénéficie d’un attachement à ses deux parents

mere-enfant-2La théorie de l’attachement prioritaire à la mère est très souvent évoquée pour justifier, qu’en cas de désaccord sur la résidence, ce soit la mère qui prenne en charge les enfants, tous les jours sauf deux week-ends par mois. Mais d’où vient cette théorie qui provoque de tels déséquilibres dans la coparentalité ?

L’idée d’attachement prioritaire à la mère vient des années d’après-guerre

A la fin de la seconde guerre mondiale, Bowlby s’occupait, avec Winnicott, des enfants placés dans des familles ou des institutions à la campagne. Il est ensuite chargé d’un rapport par l’OMS sur les enfants sans famille. Il montre alors les effets délétères de la séparation mère-enfant et identifie le lien d’attachement primaire à la mère comme étant un lien vital pour l’enfant. Il nous est difficile, aujourd’hui, d’imaginer qu’on ait pu douter des effets désastreux de la séparation d’une mère avec son enfant.

A cette époque, les psychanalystes s’opposent violemment à cette conception qui remet en cause le primat des besoins primaires élaboré par Freud. Les féministes s’y opposent, aussi, car elles voient dans cette théorie une manière de ramener les mères à la maison pour s’occuper des enfants.

Plus tard, Bowlby acceptera l’idée de plusieurs figures d’attachement mais la mère demeure pour lui prioritaire. C’est l’idée du modèle hiérarchique de l’attachement.

L’enfant construit plusieurs figures d’attachement

Dans les années 1960, l’augmentation du travail féminin fait surgir rapidement un nouveau débat social : que se passe-t-il avec une figure d’attachement « maternante » telle que la nounou ? L’enfant pourrait-il s’attacher à sa nounou comme à sa mère au point que sa préférence aille à sa nounou ? Ici encore, les préjugés ont tenté d’agiter la menace d’un effet négatif de l’éducation des jeunes enfants hors du foyer. Ils n’étaient pas dénués d’intérêt à voir les mères cantonnées aux travaux domestiques.

Les travaux sur la question des deux figures maternantes, notamment ceux de Geneviève Balleyguier bousculent le modèle hiérarchique de l’attachement. Ces travaux montraient que des figures pouvaient se substituer l’une à l’autre, amorçant un deuxième modèle. Pour ce modèle intégratif de l’attachement, les enfants bénéficiant d’un attachement sécurisé avec deux figures sont avantagés dans leur développement par rapport aux enfants avec un seul attachement sécurisé. Ces enfants eux-mêmes sont avantagés par rapport aux enfants avec aucun attachement sécurisé.

Progressivement, des études montrent qu’un père est capable de « materner », c’est-à-dire qu’il a bien les dispositions nécessaires qui lui permettent d’assurer à son enfant une certaine sécurité. On se demande alors : fait-il aussi bien que la mère ? La question ainsi posée se heurte aux comparaisons entre mère et père. Elle entraine la quête de la priorité de l’un des parents sur l’autre. Les premières recherches montrent qu’un père ne fera jamais mieux qu’une mère mais ces résultats proviennent d’évaluations menées avec des outils élaborés avec les mères, et donc selon des indicateurs maternels.

Le père est une figure d’attachement essentielle

Dans ses écrits, Christiane Olivier considère le père dans sa spécificité. Elle le nomme père « paternant » afin que l’on arrête de dire qu’un père est maternant quand il s’occupe d’un enfant.

Toutes les recherches actuelles en psychologie développementale montrent que le père a une capacité à s’occuper de l’enfant très jeune mais sa singularité est de sécuriser l’enfant dans la prise de risque, dans le versant exploratoire de l’environnement. Le père aide bien l’enfant à devenir indépendant, à la fois en faisant tiers mais aussi en assurant, au quotidien, cette sécurité qui permet à l’enfant de se risquer dans le monde. Cette autre facette de l’attachement est elle aussi nécessaire à la survie de l’espèce qui dépend, à la fois, du soin et de l’exploration.

Un modèle d’attachement équilibré entre père et mère

Cette piste mène au troisième modèle d’attachement, le modèle indépendant, qui donne à chacune des figures des effets sur une partie du développement de l’enfant. Comme l’écrivent Raphaëlle Miljkovitch et Blaise Pierrehumbert, le père n’est pas l’égal de la mère, « ceci non pas parce qu’il est moins important mais parce qu’il est différent et qu’il contribue à sa manière à la sécurité de l’enfant. »

Ces travaux successifs permettent de repérer, dans le discours social, le modèle sur lequel s’appuie celui ou celle qui vient à parler d’attachement. Ils aident à mettre à jour, ce que les représentations que nous avons de la maternité et de la paternité nous font dire et soutenir à propos de la résidence alternée.