Les enfants du divorce sont-ils égaux à travers l’Europe ?

Dans un article de Mediapart du 7 septembre, trois parlementaires européens, Guillaume Balas (S&D), Eva Joly (EELV) et Fabio De Masi (Die Linke) regrettent qu’au sein du parlement européen, qui est censé être le parlement des Européens, les discussions de fond n’aient plus lieu. Ils pensent que, pour faire face aux crises multiples auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui, les universitaires ne sont pas assez écoutés.

Inégalité de traitement des enfants entre les pays européens

parlementeuDe multiples crises existent qui touchent beaucoup de personnes. Celle dont nous parlons ici concerne les enfants dont les parents vivent séparés après divorce ou rupture.

Ces enfants sont nombreux, le nombre de divorces augmentant en Europe. Le site Eurostat indique que le taux brut de divorce pour 1000 habitants est aujourd’hui de 2,5 et qu’il est en augmentation. En Suède, 50 % des mariages se terminent par un divorce, souvent au bout de 4-5 ans ce qui fait que 30% des enfants vivent dans des familles séparées. Dans de nombreux autres pays européens, ce nombre reste très important : en France, par exemple, 160 000 enfants par an sont concernés par le divorce de leurs parents.

Entre les pays européens, ces enfants ne sont pas traités de manière égale. Les législations nationales diffèrent sur le mode de résidence des enfants et le financement partagé de leur vie pratique. Dans de nombreux pays, la plupart des enfants vivent essentiellement avec un seul parent, souvent la mère. Ses enfants ne rencontrent jamais le parent non-résident, souvent leur père, pour les affaires du quotidien ce qui génère une construction très particulière de leur relation et entame leur sécurité affective. Cette atteinte du bienêtre défavorise ces enfants par rapport aux autres, sur les plans affectifs, psychiques, physiologiques et cognitifs.

A l’intérieur des pays eux-mêmes, les inégalités de traitement des enfants devant le divorce sont criantes. En France toujours, une récente étude de l’INSEE, montre que dans certains départements, près de 25% des enfants de couples divorcés vivent alternativement avec leurs deux parents, alors que dans d’autres départements français ils ne sont que 10% à pouvoir bénéficier de relations équilibrées avec leur père et leur mère après séparation. Les conséquences en sont de trop grandes charges allouées aux mères seules et une mise à l’écart des pères.

Au vu du nombre de divorces annuels, cette population de pères, de mères, d’enfants et de jeunes ne peut pas être négligée par le politique.

La Communauté Européenne pourrait avoir une ligne directrice commune

L’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté une résolution qui prône un équilibre femme-homme dans l’éducation des enfants, notamment en cas de divorce. Cette résolution appelle les États européens « à introduire la résidence alternée ou, le cas échéant, à faire un plus grand usage de ce qui est souvent la meilleure alternative pour préserver le lien entre l’enfant et ses parents. »

La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable de cette Assemblée Parlementaire a donné un avis sur le projet de résolution. Il souligne « que les preuves dont nous disposons suggèrent que les enfants élevés dans ce genre de système [c’est-à-dire la résidence alternée] réussissent en général aussi bien voire un peu mieux que ceux d’autres couples divorcés – résultat qui est évidemment dans l’intérêt supérieur de l’enfant et qui parait dû en grande partie aux meilleures relations que les enfants entretiennent avec leur père. »

Le Conseil International de la Résidence Alternée (CIRA), qui regroupe des scientifiques, des professionnels et des membres de la société civile, à part égale et avec une représentation égale des hommes et des femmes dans ses instances, s’est rendu au Conseil Européen à l’invitation de la députée Françoise Hetto-Gaasch, rapporteure de la résolution. Les universitaires et les professionnels ont fait le point sur les recherches actuelles et la réunion a été très productive, comme nous l’avons rapporté dans notre billet du 29 juin 2016. Elle donne lieu, notamment, à une rencontre avec le ministère belge de la justice.

Rencontrer les parlementaires européens

Les inégalités de traitement des enfants du divorce en Europe sont toujours traitées comme une question locale de droit de famille. Or, les recherches en santé montrent, au contraire, qu’il s’agit d’un thème général de santé publique et de droit au bienêtre des enfants.

Chaque pays est responsable de la législation concernant les divorces mais l’Union Européenne est compétente pour garantir l’égalité de traitement des citoyens et notamment des enfants. Elle peut aussi inciter les pays membres à faire en sorte que tous leurs habitants puissent bénéficier des mêmes droits et services, quel que soit leur territoire de vie.

Nous proposons donc de répondre à l’appel des parlementaires européens et de les rencontrer, avec des scientifiques et des professionnels du CIRA, pour faire le point avec eux sur l’état des recherches. Il s’agirait d’envisager les dispositifs légaux et sociaux qui réduiraient les difficultés des nombreux citoyens européens, adultes et enfants, qui font face aux situations de divorce ou de séparation.