Deux approches de psychologues sur la résidence alternée

La revue Cercle Psy, dans numéro du mois de mars 2017, propose un bref article « La Garde alternée : Pour ou contre ? »

Nous allons excuser le journaliste, Marc Olano, de faire comme s’il ignorait que la « garde » des enfants avait été remplacée par leur « résidence » depuis la loi de 2002. Quinze ans déjà…

Le changement de point de vue de la loi est, heureusement, passé dans le contenu de l’article qui interroge l’intérêt de l’enfant après séparation des parents.

Assez basiquement, le journaliste a interrogé deux psychologues dont il oppose les points de vue, Maurice Berger et Chantal Clot-Grangeat.

Que nous montre cet article ?

Il n’y a pas de preuves scientifiques interdisant la résidence alternée comme première option légale

Les arguments attribués à Maurice Berger dans cet article sont toujours les mêmes et toujours aussi faibles.

La pétition qu’il a lancée en 2013 aurait recueilli plus de 4400 signatures de professionnels.  Cependant, il y a des centaines de milliers de juristes, psychologues, pédopsychiatres, éducateurs et travailleurs sociaux de l’enfance et de la petite enfance. La pétition a donc finalement obtenu un tout petit chiffre d’adhésion.  Il ne faudrait pas faire comme si cette espèce de sondage avait une grande portée.

Les deux recherches sur lesquelles se fondent les psychologues que l’on catégorise dans les opposants à la résidence alternée sont dépassées depuis longtemps et la communauté scientifique a reconnu leurs lacunes. Ces défauts des premiers travaux dans un domaine nouveau sont habituels dans la recherche qui avance. Ce qui n’est pas scientifique, c’est de toujours citer ces premières tentatives. Nous en avons déjà parlé plusieurs fois dans ce blog (voir notre billet du 18 janvier 2017).

L’opposition se fonde aussi sur la confusion entre la population en général et les cas particuliers de mal-être ou de grandes difficultés des enfants qui consultent dans les cabinets des pédopsychiatres. Ces cas de souffrance d’enfants en résidence alternée ne peuvent pas être négligés et la psychiatrie est là pour les aider, comme le montre bien les préoccupations rapportées par Maurice Berger. Cependant, à ce jour, aucune étude ne s’est intéressée à montrer que ces enfants seraient mieux s’ils ne vivaient que chez un seul de leurs parents ; l’argument de la souffrance de certains enfants n’est donc pas recevable en tant qu’opposition à leur résidence chez leurs deux parents. De plus, comme nous l’avons argumenté dans ce blog, de nombreux cas cliniques ne peuvent pas faire une politique publique (voir notre billet du 8 février 2017).

Partir des besoins des enfants et des études scientifiques récentes

En tant que psychologue, psychothérapeute et vice-présidente du CIRA, Chantal Clot-Grangeat s’appuie sur la convergence des recherches récentes pour montrer que les enfants ont toujours besoin de construire des relations de sécurité et d’affection avec leurs deux parents. Très logiquement, il faut leur donner du temps pour que ces relations s’établissent.

Nous ne reprenons pas ici les recherches sur lesquelles Chantal Clot-Grangeat appuie son propos car les lecteurs du blog les connaissent bien. Tous ces travaux convergent pour dire que les enfants et les adolescents vont bien mieux sur les plans de leurs émotions, de leurs comportements sociaux, de leurs résultats scolaires ou de leur santé physique quand ils peuvent rencontrer de manière régulière leurs deux parents. Ces rencontres ont à comprendre des nuitées, car le coucher et le lever sont des moments de rencontres importants, et des jours de semaine, car le week-end et les vacances ne permettent pas vraiment de vivre la vie quotidienne. La plupart des auteurs-es de ces recherches seront présents lors de la conférence du CIRA à Boston et nous avons déjà présenté leurs travaux à cette occasion (voir notre billet du 1° mars 2017).

L’organisation de cette résidence alternée peut rester dynamique. Au plus jeune âge, une formule 2-2-5-5 permet aux enfants de ne jamais être séparés d’un parent plus de 5 jours, à l’exception des vacances où 15 jours ont possibles selon les cas. De nombreux jeunes parents expérimentent cette formule avec satisfaction, malgré les difficultés qui découlent de la séparation (voir nos billets des   16 et 23 novembre 2016). Pour d’autres enfants, et notamment, avec l’adolescence et l’entrée au collège ou au lycée, la formule peut devenir plus classique et se caler sur l’alternance 7-7. Mais rien n’est obligatoire du moment que l’égalité des rencontres avec les deux parents est visée, nuitées et journées de semaines comprises.

La résidence alternée, une question sociale et politique

Cette évolution va dans le sens d’une implication des pères dans l’éducation des enfants et d’un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes. La femme n’est pas dédiée à supporter la charge de responsable de foyer monoparental. C’est en cela que la résidence alternée est aussi une question sociale et politique (voir nos billets 2 novembre 2016 et du 1° février 2017).