Cour d’appel de Versailles : résidence alternée, un appui nécessaire au bienêtre des enfants

Les semaines précédentes nous avons rapporté comment la Cour d’appel de Chambéry a fixé des critères objectifs pour favoriser la coparentalité et comment elle a soutenu la volonté d’un enfant de vivre en résidence alternée. Cette semaine nous rapportons la décision de la Cour d’appel de Versailles qui, le 16 mars 2017, a elle aussi ordonné une résidence alternée après l’audition de deux enfants, de 10 et 12 ans.

Cet arrêté est intéressant car il précise ce que les juges attendent de l’audition des enfants et les bénéfices tirés de la résidence alternée chez les deux parents.

Que dit la décision de la Cour d’appel de Versailles ?

La résidence au domicile de la mère contestée par le père

Un premier juge avait ordonné une répartition des ressources financières et des frais d’éducation ainsi qu’une résidence au domicile de la mère.

Le père se voyait « accorder un droit de visite et d’hébergement » dit classique strict. En période scolaire, sur deux semaines, les enfants étaient donc avec leur mère 12 jours et 2 jours avec leur père. Le père était également « condamné » à payer une pension pour l’entretien et l’éducation des deux enfants.

Très rapidement, le père forme un appel de portée générale contre cette décision. Il demande que les enfants soient auditionnés par la cour.

La reconnaissance des capacités éducatives du père

La Cour d’appel va supprimer la contribution du père car les revenus des parents sont équivalents. Tous les autres aspects financiers sont maintenus en l’état, le premier juge ayant fait une exacte appréciation de la situation.

La Cour d’appel, en revanche, va revenir sur le mode de résidence ordonné par le premier juge et va décider de la mise en place de la résidence alternée des enfants.

La Cour estime que les deux parents ont des capacités éducatives leur permettant de s’occuper des enfants au quotidien. Elle rejette les critiques de la mère qui avance que l’investissement du père dans l’éducation des enfants est très récent. Pour la Cour, il faut tenir compte du fait que la séparation des parents justifie une nouvelle répartition des rôles auprès des enfants.

Nous retrouvons donc dans cet arrêté des conclusions auxquelles arrivent les sociologues de la famille (voir notre billet du 16 mars 2016). La répartition traditionnelle des rôles dans la famille est bousculée par la séparation mais, néanmoins, elle devrait être plus égalitaire et démocratique avant la séparation (voir notre billet du 27 avril 2016).

La Cour, quand on lit un peu entre les lignes, reconnaît aussi que les mères seules ont du mal à combiner vie professionnelle et parentale. Elle reproche, en effet, à la mère de ne pas suffisamment suivre les devoirs et les contrôles des enfants, voire de déléguer une partie de la tâche à un tiers. Elle lui reproche aussi de prendre des décisions qui légitiment la violation des règles par les adultes. Il s’agissait de visiter un parc de loisir durant un jour de classe.

Ici encore, cela rejoint des conclusions d’études que nous avons rapportées dans ce blog. Les mères seules ne peuvent pas facilement concilier tous les volets de leur vie et les enfants en subissent les conséquences eux aussi. Ainsi, au collège, à niveau culturel et financier égal, les adolescents des foyers monoparentaux sont toujours défavorisés par rapport aux autres (voir notre billet du 19 octobre 2016).

La reconnaissance de la volonté des enfants

Les deux enfants ont été entendus par la Cour bien que la mère ait déclaré que cette demande du père était irresponsable car elle placerait les enfants dans un conflit de loyauté.

La Cour remarque que ce conflit supposé par la mère n’est pas apparu durant l’audition des enfants. Ces deux filles ont été très claires sur ce qu’elles souhaitent et pourquoi. Les filles n’ont pas dénigré leur mère. Par contre, elles ont montré qu’elles voulaient « donner plus de place à leur père auquel elles sont attachées et qui est attentif à leur besoin. »

Justifications de la résidence alternée égalitaire

Premièrement, les juges estiment que les enfants « pour se construire harmonieusement malgré la séparation de leurs parents, doivent pouvoir entretenir avec chacun d’eux des relations régulières et équilibrées, de nature à leur permettre de bénéficier des apports de nature différente mais complémentaires que chacun peut leur procurer. »

Encore une fois, cette décision rejoint des résultats de recherche sur le rôle complémentaire de chaque parent. Rôles complémentaires nécessaires au bienêtre de l’enfant (voir notre billet du 30 mars 2016).

Deuxièmement, les juges rappellent que « le droit de l’enfant d’entretenir des liens avec ses deux parents est protégé par l’article 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 ratifiée par la France. »

Ils s’inscrivent dans la même veine que la résolution de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe qui préconise que « seules des circonstances exceptionnelles et particulièrement graves au vu de l’intérêt de l’enfant devraient pouvoir justifier une séparation, ordonnée par un juge » (voir notre billet du 6 janvier 2016).

Troisièmement, les juges se retrouvent sur le critère géographique que s’impose naturellement : les deux domiciles sont proches.

Ils ajoutent que les conditions d’accueil sont identiques (partage d’une même chambre) et que les parents communiquent.

Le Cour conclut « l’alternance est un système simple, prévisible, qui permet aux enfants comme aux parents de se projeter dans l’avenir et de construire des projets fiables ; qu’elle est de nature à réduire les conflits liés à l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement et aux modifications qu’un tel système engendre. »

Ici encore elle rejoint les préconisations des scientifiques (voir les conclusions de la conférence du CIRA 2015)