Chambre des enfants : active ou en veille, toujours en vie

Que devient la chambre des enfants en résidence alternée ? Quand les parents vivent ensemble, les enfants sont amenés à partir un jour ou l’autre, donc ils ont leur chambre dans une sorte d’intermittence longue, les parents étant les permanents. Quand les parents vivent séparés, la fréquence de cette intermittence est élevée : une semaine sur deux, un week-end sur deux, la moitié des vacances. Que devient cet espace dans les périodes sans enfants ? Comment le parent permanent dans la maison se représente-t-il cet espace ?

Pour répondre à ces questions rarement posées, alors qu’elles sont le quotidien des parents séparés, Benoît Hachet (IRIS-EHESS) a interrogé 15 parents (8 mères, 7 pères) à Paris en 2012-2013. Ce sont des parents de classe moyenne ou supérieure, certains avec un grand logement (110 m2) d’autres un petit (45 m2). Seul un père vit dans son appartement avec une nouvelle compagne. La durée du mode d’hébergement en alternance va de 2 mois à 10 ans.

La chambre des enfants reste ouverte quand ils résident chez leur autre parent

Chez tous les parents qui vivent l’alternance depuis longtemps, la porte de la chambre reste ouverte. Les trois personnes qui ferment cette porte vivent l’alternance depuis peu. La chambre vide leur rappelle négativement l’absence, et elles n’y entrent pas durant la période sans enfants. L’auteur suppose que la porte s’ouvrira avec le temps.

Entrer dans la chambre correspond à une nécessité pour tous les enquêtés : faire de la lumière, aérer, etc. Aucun ne dit venir s’y remémorer les enfants. Dans les petits appartements, toutes les pièces ayant plusieurs fonctions, la chambre des enfants peut servir à d’autres choses tout au long de l’année, comme abriter les rangements à linge.

L’utilisation de la chambre reste toujours marginale

Pour personne elle ne sert de bureau, de coin lecture, ou autre, durant l’absence des enfants. Un enquêté préfère même mettre le linge non plié dans sa chambre plutôt que dans celle des enfants. La chambre reste vivante mais, le plus souvent, ne sert pas de débarras. Sauf pour les deux plus petits logements où les occupants n’ont pas le choix.

L’hébergement des amis se fait souvent dans une autre pièce que la chambre des enfants. Même dans les petits appartements, le canapé est préféré à la chambre, sauf pour les proches de la famille.

La durée du mode d’hébergement en alternance modifie les affects autour de la chambre vide. Au début, « c’est un calvaire », une enquêtée à l’impression de passer « devant la chambre de gens qui sont morts », d’autres de « sentir les nounours des enfants ». La chambre vide est alors remplie de douleurs. Après un temps, la chambre n’a plus ces charges négatives et devient une pièce inoccupée sans provoquer d’émotions particulières, sauf l’agacement quand elle n’est pas rangée.

Néanmoins, en résidence alternée, la chambre des enfants reste toujours « leur » chambre.

Pour toutes et tous les enquêtés, les enfants n’ont pas « une » chambre mais ils ont « leur » chambre, chez leur père et chez leur mère. Une semaine sur deux, la chambre vide n’est pas un espace mort mais « un espace en veille, qui ne trouve son sens qu’en accueillant les enfants qui l’habitent. Enfants pour qui cet espace est pleinement vivant », conclut Benoît Hachet.