Nouveaux résultats de recherche : la résidence alternée préserve les très jeunes enfants des conséquences de la séparation parentale

Bien connue des lecteurs et lectrices de ce blog, l’équipe de notre collègue et amie la chercheuse suédoise Malin Bergström publie une nouvelle recherche à grande échelle qui porte sur 3 656 enfants de 3 à 5 ans. Elle montre que ces enfants sont moins perturbés par le divorce de leurs parents lorsqu’ils partagent la résidence avec leurs parents de manière égalitaire.

Cette recherche marque une étape importante dans l’étude des conséquences de la séparation des parents sur les enfants. En effet, elle concerne une large population puisque tous les parents et les enseignants des enfants des écoles maternelles d’une même région ont été interrogés. Elle croise les réponses des parents et des enseignants, ce qui n’avait jamais été fait à notre connaissance. Enfin, elle tient compte des caractéristiques économiques et culturelles des parents.

Un fait notable pour la France est que cette étude a été immédiatement répercutée par deux journaux ou sites internet, au-moins : Le journal des femmes et Magic maman.

Merci aux fidèles du blog de nous avoir passé l’information.

Que dit cette étude ?

Peu de recherches à propos des jeunes enfants de couples séparés

L’auteure et ses collègues notent que de plus en plus de recherches attestent que le maintien du bienêtre des enfants après la séparation des parents est lié à leur possibilité de maintenir des relations régulières avec leurs deux parents.

Les recherches montrent que cette relation entre le type d’arrangement de résidence et le bienêtre de l’enfant, ne peut pas être expliquée uniquement par des facteurs socioéconomiques, le faible niveau de conflit parental, la qualité des relations parents-enfants ou l’âge des enfants. Ces facteurs jouent un rôle mais ne peuvent pas, en eux-mêmes, justifier ou non du choix du mode de résidence.

L’équipe de recherche note aussi que peu de recherches existent sur les jeunes enfants. De plus, ces quelques recherches n’étudient pas la résidence alternée mais simplement le fait de passer des nuits chez le parent qui n’est pas le résident principal. En outre, ces recherches sont principalement fondées sur ce que dit la mère du bienêtre de l’enfant. Certaines, aussi, se servent de critères contestables ou portent sur des populations très spéciales, des couples dont le père est en prison, par exemple.

En fait, l’équipe n’a trouvé que trois recherches valides mais leurs résultats sont plutôt ambivalents. Il y a donc un besoin d’études plus précises.

Des données issues d’une enquête auprès de toutes les familles

L’organisme de santé infantile de Suède organise tous les ans une enquête par questionnaire auprès des parents à propos des problèmes comportementaux, attentionnels, relationnels et émotionnels de leurs enfants. Pour les besoins de la recherche, le même questionnaire a été donné aussi aux enseignant.es des classes maternelles de ces enfants.

Les parents devaient indiquer si l’enfant vit avec ses deux parents tout le temps, en alternance avec l’un ou l’autre, plutôt avec un des parents ou avec un seul parent.

La résidence alternée égalitaire garantit un meilleur bienêtre des jeunes enfants

Les enfants étudiés sont jeunes et la plupart vivent dans leur famille de naissance (92%). Les autres vivent en résidence alternée égalitaire (4%), ou se répartissent en résidence plutôt chez un parent (2%) ou totalement chez un parent (2%). Malgré cette répartition, la grande taille de l’échantillon permet d’obtenir des résultats valides.

Les résultats montrent que les enfants de maternelle qui vivent plutôt ou uniquement chez un parent ont plus de problèmes psychologiques que les autres ; les enseignant.es et les parents sont d’accord sur ce point. Les enfants en résidence alternée et ceux vivant dans une famille unie ont le même niveau de bienêtre, selon les réponses des parents. Les enseignant.es indiquent le même résultat lorsque sont comparés les parents dont les situations économiques et culturelles sont identiques.

Ces résultats sont semblables à ceux obtenus avec des enfants et des adolescents (voir notre billet du 27 janvier 2016). Cette étude vient donc compléter les précédentes en montrant que la résidence alternée est bénéfique dès le plus jeune âge. Ces résultats concordent avec ceux de Fabricius obtenus à partir des réponses de jeunes adultes ayant vécu en résidence alternée dès leur plus jeune âge (voir notre billet du 18 janvier 2017).

Les jeunes enfants peuvent s’adapter à deux maisons

L’étude de Malin Bergström et son équipe montre clairement que les jeunes enfants peuvent bénéficier de vivre alternativement dans deux résidences. Elle va à l’encontre des idées convenues et des préjugés qui affirment que les enfants en seraient incapables avant 6 ans.

Il faudrait une autre recherche pour connaître les raisons du bénéfice de la résidence alternée égalitaire. Les auteur.es en restent donc à des suppositions.

Il est probable que, pour le jeune enfant, les avantages tirés des relations avec deux parents qui s’engagent dans son éducation sont plus importants pour son bienêtre que les désagréments dus aux transitions entre les deux maisons.

Il est probable aussi que les parents sont moins stressés puisqu’ils bénéficient de la moitié de temps sans enfants. Avec les enfants ils peuvent donc être plus engagés dans leur éducation.

A l’inverse, les enfants qui vivent avec un seul parent, tout le temps ou la plupart du temps, n’ont pas accès à deux parents dont les pratiques éducatives peuvent se compléter. De plus, les pères ou mères qui élèvent seul.es leurs enfants sont souvent plus stressé.es par la pression économique et l’organisation de la vie à la maison en permanence. Dans ce cas, les enfants vivent vraisemblablement dans un environnement plus toxique car ils restent plus exposés aux conditions conflictuelles qui étaient celles de la période du divorce.

Cette recherche marque donc une importante avancée pour toutes les personnes concernées par les droits fondamentaux et le bienêtre des enfants dont les parents se séparent. Souhaitons, avec nos collègues de Suède, que des études longitudinales viennent la compléter.