Résidence alternée ou garde pleine chez la mère : où est la norme ?

Nous poursuivons le billet de la semaine dernière à partir de l’éditorial de la revue Journal of Divorce & Remarriage. Ce numéro spécial regroupe les articles des 12 experts qui sont intervenus lors de la 3ème Conférence Internationale sur la Résidence Alternée, à Boston en mai 2017.

Dans la première partie de son éditorial, Linda Nielsen définit la résidence alternée comme un modalité qui permet à un enfant de rencontrer chaque parent au moins 35% de son temps. Elle note que c’est à partir des décisions des adultes que la vie des enfants sera organisée. Les parents, les avocats et avocates, les médiateurs et médiatrices et les juges devraient donc être informés des résultats des recherches sur les conséquences de la séparation sur les enfants.

La fin de l’éditorial aborde la question de la norme : est-ce la résidence de l’enfant chez les deux parents en alternance ou la femme est-elle naturellement celle qui doit s’occuper des enfants ?

Résidence des enfants : une question d’égalité femmes-hommes

Linda Nielsen fait remarquer que l’opposition des genres, la guerre des sexes ou le droit des pères représentent des arguments qui sont souvent utilisés par les opposants et opposantes au développement de la résidence alternée. La résidence alternée serait uniquement favorable aux pères et l’intérêt de l’enfant serait ignoré, surtout celui des jeunes enfants.

Ces arguments sans preuve troublent les esprits des parents et des professionnels qui prennent des décisions quant à la vie des enfants après la séparation des parents.

Linda Nielsen ajoute que des arguments semblables étaient déjà utilisés par les opposants à la coparentalité et au maintien du partage de l’autorité parentale, même après le divorce. Aujourd’hui, personne n’oserait revenir à l’autorité pleine à un seul parent, sauf dans les cas exceptionnels.

Linda Nielsen revendique l’idée que la résidence alternée touche la question de l’égalité entre les femmes et les hommes. Inévitablement elle est liée aux attitudes et aux rôles attribués à chaque genre, au long de l’histoire, à travers la culture et la structure de la société.

C’est ce que nous faisons également dans ce blog en montrant que la résidence pleine maintient les femmes dans le statut de gardiennes du foyer et éloigne les hommes de l’éducation de leurs enfants.

Les bénéfices de la résidence pleine chez la mère ne sont jamais prouvés

Linda Nielsen constate que la résidence alternée doit toujours faire la preuve de ses avantages pour les enfants alors que la garde pleine chez la mère semble naturelle et sans désavantages.

Elle note d’abord qu’aucune recherche ne prétend que la résidence alternée est bonne pour tous les enfants, sans exceptions. Il est clair que les questions d’éloignement des domiciles ou de graves difficultés de santé mentale ou de comportement d’un parent ou de l’enfant sont des éléments qui doivent peser dans le choix de la modalité de résidence.

Elle note ensuite que, dans beaucoup de textes de loi, et la loi française en fait partie, il est dit que la résidence alternée peut être expérimentée un temps, avant toute décision définitive. Rarement cette expérimentation est prévue pour la résidence pleine.

De plus, certains s’opposent à ce que la résidence alternée devienne une norme, ils ne veulent pas qu’elle s’impose à l’enfant sans discernement.

Or, il apparaît que, dans notre culture, le modèle de la mère s’occupant seule des enfants s’impose comme une norme. La chercheuse s’étonne que cette norme ne soit pas interrogée, comme s’il allait de soi que les relations de l’enfant à son père étaient moins importantes que celles à sa mère.

Pourtant, l’un des résultats bien établis dans les recherches est que les jeunes qui ont vécu en résidence pleine, quand on les interroge sur ce vécu, regrettent le faible contact avec leur père (ou la mère quand c’est elle qui n’est pas le parent résident). A l’inverse, les jeunes qui ont vécu en résidence alternée, même dès leur plus jeune âge, ont une relation équilibrée aux deux parents et une plus grande autonomie dans le choix de leur vie future.

Faut-il encore plus de recherches sur la résidence alternée ?

Linda Nielsen regrette que certains reculent devant la mise en place de la résidence alternée comme première option étudiée par et avec les parents sous prétexte que les recherches qui en prouvent les bénéfices seraient peu nombreuses et essentiellement statistiques.

Encore une fois, elle rappelle qu’il n’existe aucune recherche sur les bénéfices de la résidence pleine.

L’auteure note aussi qu’il est reproché aux recherches scientifiques de ne pas tenir compte des cas particuliers et de réduire les enfants à des statistiques. Elle fait remarquer que l’argument ne tient pas.

En premier lieu, dit Linda Nielsen, le fait que chaque famille soit unique ne veut pas dire qu’elles n’ont ni de points communs entre elles ni de ressemblances avec les milliers de familles des échantillons de recherche. De plus, c’est toujours le propre des recherches en sciences humaines que de généraliser à partir d’un échantillon significatif ; il y a des règles méthodologiques pour cela. Enfin, les recherches sérieuses signalent toujours leurs limites.

D’autre part, la prise de décision pour une modalité de résidence est toujours prospective : on suppose que dans les conditions de tel enfant, la décision prise sera la meilleure dans les années à venir. Les données de la recherche peuvent renforcer les bases de cette décision. Sans elles, quelles autres références plus fiables pourraient fonder la prise de décision ?

Enfin, Linda Nielsen fait remarquer que, dans de nombreux domaines, nous prenons des décisions qui concernent les enfants à partir de généralisation de résultats de recherche. Il suffit de se rappeler la question des choix des méthodes d’enseignement – la lecture par exemple – ou des prises en charge les enfants en difficulté ou en situation de handicap. Dans tous ces cas, et bien d’autres, des échantillons sont étudiés et des généralisations sont faites pour les appliquer à des enfants particuliers.

Elle conclut en appelant à lire les articles qui sont issus de la 3éme Conférence ICSP de Boston 2017 et qui se réfèrent tous à des échantillons solides et des méthodologies rigoureuses. Toute autre approche ne représente qu’un simple plaidoyer, une rhétorique, pour défendre un statuquo, un groupe de pression ou une profession.

Strasbourg 2018 dans la perspective de Boston 2017

La conférence 4ème Conférence Internationale sur la Résidence Alternée Strasbourg 2017 va se situer dans cette même perspective.

Les intervenantes et intervenants sont des experts de leur champ qui adoptent une approche scientifique. Le comité scientifique a écarté les propositions qui étaient des déclarations sans preuves, qu’elles soient favorables à la résidence alternée des enfants ou à la garde pleine par un parent.

Les inscriptions seront bientôt ouvertes !