Un projet de loi relatif à la résidence des enfants après divorce

Un groupe de député.es, avec Philippe Latombe comme premier signataire, vient de déposer une proposition de loi « relative au principe de garde alternée des enfants. »

L’exposé des motifs décrit bien la situation des enfants et des parents en cas de divorce ou de séparation. La volonté de moderniser les outils législatifs et les pratiques judiciaires correspond aux attentes de nombreux parents divorcés.

En revanche, la proposition de loi ne semble pas aussi claire que l’exposé des motifs.

Que dit cette proposition 307 ?

Pour rester dans notre format habituel, nous publierons notre analyse en deux billets.

Prendre en compte les nouvelles configurations familiales

Les député.es dépositaires estiment que de nombreux différends relatifs à l’autorité parentale surviennent du fait de l’inadaptation du droit de la famille aux familles d’aujourd’hui.

Ces dépositaires précisent que le nombre de séparations et de divorces augmentent et que de nombreux enfants, 1,5 million, sont confrontés à la question du lieu de résidence. Cette résidence est souvent fixée chez la mère, puisque, notent les député.es, dans 75 % des cas, les juges refusent la résidence alternée si la mère s’y oppose.

En conséquence, la proposition instaure « le principe général de résidence des enfants chez chacun de leurs parents, afin de traduire leur égalité, cela toujours dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. »

Fixer la résidence de l’enfant chez les deux parents

Après cet exposé des motifs, la proposition de loi se résume à un article unique :

« La résidence de l’enfant est fixée au domicile de chacun des parents, selon les modalités déterminées par convention d’un commun accord entre les parents ou, à défaut, par le juge.

Si la résidence de l’enfant ne peut être fixée, pour une raison sérieuse, au domicile de chacun de ses parents du fait de l’un deux, elle est fixée au domicile de l’autre.

Dans ce cas, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite. Ce droit de visite, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, peut être exercé dans un espace de rencontre qu’il désigne, ou avec l’assistance d’un tiers de confiance ou du représentant d’une personne morale qualifiée. »

La résidence alternée égalitaire, un manque de cette proposition de loi

Il est clair que le fait de fixer la résidence de l’enfant chez ses deux parents évitera à l’un des parents d’être réduit à avoir un simple « droit de visite et d’hébergement » de ses propres enfants. Ce qui est toujours dramatique à lire dans un jugement et encore plus à vivre au quotidien.

Cependant, dans l’article de loi, il n’est fait mention que de résidence et pas de temps puisque les « modalités » de résidence ne sont pas définies. De plus, l’exposé des motifs évoque uniquement la possibilité de « fixer des modalités distinctes à celle d’une stricte égalité de temps. »

Est-ce pour installer progressivement un meilleur partage du temps de résidence chez les deux parents ? Ou est-ce pour se contenter de l’accord « classique » 12-2 jours en double résidence?

Bien évidemment, la proposition de loi s’appuie sur l’intérêt de l’enfant.

Or, les résultats de recherches montrent que du temps doit être laissé pour que l’enfant puisse construire des relations au quotidien avec ses deux parents et, ainsi, profiter de leurs apports et de leur soutien.

C’est cette même idée que l’on peut lire dans la réponse que nous avions reçue du Président Macron lors de la campagne présidentielle (voir nos billets des 4 et 10 mai 2017).

De plus, plusieurs décisions récentes de Cour d’appel se servent de ce critère de durée passée avec chaque parent pour maintenir ou ordonner une résidence alternée égalitaire (voir nos billets des 4 et 18 octobre 2017).

L’idée des dépositaires de la proposition est peut-être de pousser plus de juges aux affaires familiales à aller dans le sens de ces décisions de Cour d’appel mais, de notre point de vue, la formulation de la proposition de loi est très faible.

De fait, elle ne fait que reprendre, à l’identique, l’article 7 de la proposition de loi 371 « relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant » qui avait été votée par la précédente Assemblée Nationale mais n’a pas été adoptée.

La vie des enfants mérite plus que des symboles

Certains diront qu’il s’agit d’une petite avancée qui a valeur de symbole. Nous nous demandons pour qui ?

Vraisemblablement pas pour les nombreux enfants concernés par l’arrangement « classique strict ».

Ces enfants sont la majorité des enfants après séparation des parents.

Rappelons que, après divorce, un peu plus de sept enfants sur dix (73 %) vivent uniquement chez la mère, et que dans ce cas, c’est majoritairement (57 %) l’arrangement « classique strict » qui est ordonné (lire notre article dans The Conversation).

Autrement dit, les enfants rencontrent le parent non-résident uniquement 2 jours par quinzaine.  Il s’agit même de 2 jours en trois semaines quand les petites vacances viennent perturber le rythme du droit de visite et d’hébergement (voir notre billet du 12 octobre 2016).

C’est une raison pour laquelle cette proposition de loi devrait être amendée.