Ces mots anciens qui freinent les idées neuves : #5 condamner

Cet été nous proposons une série des mots qui servent à parler des conditions de vie des enfants après séparation de leurs parents. Nous sommes allés voir du côté de « famille monoparentale ». Nous avons aussi exploré « droit de visite et d’hébergement ».

Cette semaine nous proposons de visiter le mot « condamné » que les parents trouvent souvent écrit sur la décision de justice quand ils se sont séparés et qu’ils ont fait appel au juge des affaires familiales.

Nous avons signalé la semaine dernière comment pouvait paraître humiliant, pour un parent, souvent le père, de passer du statut de parent à celui de simple bénéficiaire d’un « droit de visite et d’hébergement » de ses propres enfants.

Le même genre d’humiliation peut être ressentie lorsque ce même parent se voit « condamné » à verser une contribution à l’entretien et à l’éducation de ces mêmes enfants.

Prenons trois exemples, à partir de trois décisions de justice : une résidence pleine chez le père, un arrangement classique élargi chez la mère et une résidence alternée égalitaire.

Trois parents différents, tous condamnés à payer

Dans la première situation, le père demande la résidence pleine de l’enfant à son domicile à la place d’un droit de visite élargi. Le tribunal « FIXE la résidence de ZZ [l’enfant], au domicile de monsieur XX [le père]. Dit que le droit de visite et d’hébergement de madame YY [la mère] s’exercera à l’amiable et à défaut d’accord, selon les modalités suivantes les fins de semaines impaires du vendredi sortie d’école au dimanche 18h30. Fixe à la somme de 100 euros par mois, la contribution de madame YY pour l’entretien et l’éducation de l’enfant. CONDAMNE en tant que de besoin madame YY à payer cette somme à monsieur XX. »

Dans la deuxième situation, l’enfant est en résidence pleine chez la mère, le père demande une résidence alternée égalitaire et le juge décide une résidence alternée inégalitaire (soit, avec les mots de la justice, un arrangement « classique élargi »). Le tribunal « MODIFIE le droit de visite et d’hébergement de XX [le père] pendant les périodes scolaires et lui accorde un droit s’exerçant du jeudi soir des semaines paires du calendrier au mardi matin suivant. FIXE à 1.200 euros le montant de la contribution mensuelle du père à l’entretien et l’éducation de chaque enfant et le CONDAMNE en tant que de besoin à payer cette somme à YY [la mère]. »

Dans la troisième situation, le père demande la résidence des enfants en alternance au domicile de chacun de leurs parents. Le tribunal décide que cette modalité est conforme à l’intérêt supérieur des enfants, « fixe à 200 euros le montant de la contribution mensuelle du père à l’entretien et l’éducation de chaque enfant et CONDAMNE XX [le père] en tant que de besoin à payer cette somme à YY [la mère]. »

« Condamner » veut dire « obliger » ou « punir »

Dans les trois situations, les revenus et les charges des deux parents ne sont pas équivalents. Le tribunal décide d’une somme pour compenser le déséquilibre. Cette contribution, souvent appelée pension alimentaire, est à payer par l’autre parent.

Le vocabulaire de la justice utilise alors le verbe « condamner » pour indiquer l’obligation de payer.

Le sens populaire du verbe « condamner » n’a pas du tout le même sens. Dans le vocabulaire courant, ce sont les coupables de méfaits qui sont condamnés à des amendes ou à des peines qui réduisent leurs droits ou leur liberté.

On peut supposer que de nombreux parents font une confusion entre ces deux significations et pensent que celui qui est « condamné » à payer et quelque part « puni ».

Changer les mots pour améliorer la coparentalité

Dans les trois situations précédentes, chaque parent doit ASSUMER sa contribution à l’entretien et l’éducation des enfants. Pour le dire, la justice les « CONDAMNE » à payer.

Le groupe de travail sur la coparentalité, et le conseil économique et social, souhaitent mieux faire comprendre aux parents ce que c’est que la coparentalité à travers des informations spécifiques.

Le changement des mots de la justice familiale pourrait contribuer à cette amélioration.