Même avant 2 ans, la résidence alternée est meilleure que la garde pleine

Une étude par l’équipe de W. Fabricius et récemment publiée dans une revue scientifique américaine montre que la résidence alternée est bénéfique aux enfants de parents séparés dès le plus jeune âge, avant 3 ans.

La question de l’âge à partir duquel les enfants peuvent tirer avantage, ou au moins ne pas être pénalisés, par le partage de la résidence entre leurs deux parents est une question importante qui n’avait pas reçu de réponse fondée sur des preuves scientifiques convaincantes. Dans le débat français, certains pédopsychiatres ont pétitionné pour une interdiction de cet arrangement avant 6 ans puis, sans justifier le changement, ces professionnels ont abaissé le seuil à 3 ans (voir notre billet du 2 novembre 2016). La recherche de Fabricius va permettre d’éclairer le débat grâce à des faits et à des données tirés d’un large échantillon de plus de 100 jeunes étudiants ayant vécu très jeune la séparation de leurs parents.

L’équipe de Fabricius comble les lacunes de recherches précédentes

Le chercheur et son équipe partent des défauts des études précédentes pour essayer de les améliorer et rendre les résultats plus fiables (voir notre billet du 11 mai 2016). Ils cherchent à préciser les avantages ou les inconvénients de la résidence alternée à long terme, et notamment à l’âge crucial de l’entrée dans la vie adulte. Ils veulent aussi ne pas constater ces effets uniquement sur la relation à la mère mais aussi au père, car les deux sont importantes à l’équilibre psychique des jeunes. Enfin, ils veulent étudier les effets des nuitées du bébé avec les deux parents et non seulement ceux de la visite en journée avec le parent non-résident, le père.

Sur ces trois points, la recherche de Fabricius va préciser les précédents résultats des trois seules recherches qui ont servi d’appui pour refuser les nuitées chez le père avant 3 ans. Ces études anciennes ont eu le mérite de faire avancer la recherche mais comportent de grandes faiblesses méthodologiques.

La principale illustration de cette évolution concerne l’étude de la chercheuse australienne Mc Intosh dont les recommandations sont souvent citées en France par les opposants à la résidence alternée pour les très jeunes enfants. En 2011, l’Association of Family and Conciliation Courts (AFCC) avait publié cette étude australienne dont les recommandations conduisaient à interdire la résidence alternée pour les jeunes enfants.  Depuis, la même association a publié, en 2014, le rapport d’un groupe d’experts qui considère que, compte tenu de leurs défauts, les recherches ne peuvent pas conclure objectivement à des avantages ou à des torts provoqués par cet arrangement.

L’étude de l’équipe de Fabricius va chercher à surmonter les faiblesses méthodologiques des études précédentes. Elle permet de quitter cette position neutre.

S’intéresser aux effets à long terme de la résidence alternée des bébés

L’étude porte sur 116 étudiants de 19 ans, en moyenne, dont les parents se sont séparés avant qu’ils n’aient 3 ans. Les parents de ces étudiants ont été contactés et seuls les étudiants dont les réponses des parents étaient cohérentes ont été conservés dans l’échantillon. Les souvenirs des étudiants de l’échantillon sont donc vérifiés. Ces étudiants sont interrogés sur leurs relations actuelles avec leurs deux parents.

Les parents ont été interrogés sur leur niveau de conflit, à l’époque de leur séparation. Leur niveau d’étude et leur catégorie sociale et professionnelle sont également pris en compte. Enfin, a été testé le fait que les deux parents aient été d’accord pour la résidence alternée ou que, à l’inverse, un des parents ait été forcé à l’accepter.

La résidence alternée des nourrissons leur est bénéfique à l’âge adulte

La recherche de Fabricius et son équipe montre que plus le bébé (1 an) ou le tout petit enfant (2 ans) a passé de nuitée avec son père, jusqu’à 50%, plus il a une relation équilibrée avec ses deux parents à l’âge de jeune adulte (19 ans). Ce résultat est important car cet âge de l’entrée dans la vie adulte est crucial.

Quels que soient le niveau de conflit des parents, leur degré d’étude ou leurs revenus, les relations avec les deux parents sont meilleures à l’âge adulte quand le bébé a passé de nombreuses nuitées avec chacun de ses deux parents. Ce résultat reste valable même si l’un des parents s’est vu imposer la résidence alternée. En revanche, si le bébé n’a rencontré son père que sur des temps de journée, on n’observe aucune amélioration de la relation au père par rapport à ceux qui n’ont vécu que chez la mère.

Toutes ces études ne portent que sur les relations aux deux parents mais on peut penser que cette relation est un fondement de l’équilibre de la vie de ces jeunes adultes.

La recherche de Fabricius et son équipe conduit à encourager les parents et les professionnels qui sont confrontés à des séparations à privilégier les relations équilibrées avec les deux parents, dès la séparation, quel que soit l’âge des enfants.