Résidence de l’enfant après séparation : combien de transitions ?

Le vote de la PPL 307 à l’Assemblée Nationale jeudi dernier a donné lieu à des échanges passionnés et clivants, au parlement et dans les médias.

Il a beaucoup été question des transitions.  Selon certains, ces transitions rendraient impossible la résidence alternée du fait des conflits entre les parents ou des violences conjugales. Selon d’autres, elles sont trop nombreuses en résidence alternée et ne peuvent convenir aux jeunes enfants.

Il a été oublié que, quelle que soit la modalité de résidence, il y a des alternances entre deux domiciles. Donc, des transitions. Ce n’est pas la résidence alternée qui génère des transitions supplémentaires mais la séparation des parents.

Nous proposons de reprendre la question dans le sens de ce que vivent les enfants dont les parents sont séparés. La résidence des enfants est toujours un chantier qui s’invente au fur et à mesure de son avancée.

L’objectif de la loi de 2002 est de permettre aux enfants d’entretenir des relations suivies avec leurs deux parents et de consacrer la parité de l’homme et de la femme dans l’exercice de l’autorité parentale.

Dans les cas de violence ou d’abus sur les enfants, le parent coupable voit son autorité limitée et les relations avec ses enfants encadrées. Il s’agit là de situations graves mais exceptionnelles.

Dans les cas ordinaires, les modalités d’hébergement sont triples. Dans tous les cas il y a alternance, avec des transitions d’une résidence à l’autre.

L’arrangement classique génère deux transitions par quinzaine

L’arrangement dit « classique » consiste en une résidence pleine chez un parent, le plus souvent la mère, avec un droit de visite et d’hébergement pour l’autre parent, un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Cette formulation laisse croire à une certaine égalité de partage du temps alors que la réalité est très différente. Sur 14 jours, l’enfant vivra avec sa mère durant 12 jours et passera avec son père 2 jours de week-end. Sur l’année, il partagera son temps entre ses parents selon un ratio de 73-27 %. Il vivra 2 transitions par quinzaine.

Vient s’ajouter à ce déséquilibre le fait que les décisions de justice, prises à partir des propositions des parties et donc des avocats, ont pour habitude de fixer le week-end chez le père lors des semaines paires et la première semaine de vacances alternativement chez le père ou la mère selon que l’année est paire ou impaire. Ces procédés apparemment simples conduisent à créer régulièrement, avant ou après les vacances, des « tunnels » de 3 semaines sans aucun contact entre l’enfant et son parent non résident.

De plus, la qualité de la relation est déséquilibrée : sur le parent résident repose le concret de la vie quotidienne alors que l’enfant ne rencontre l’autre parent que sur des temps de loisirs. Ce déséquilibre n’avantage ni les uns ni les autres : la mère est surchargée et le père déresponsabilisé.

Cet arrangement est celui sous lequel vivent le plus grand nombre d’enfants.

L’arrangement classique élargi et la résidence alternée équilibrent mieux le temps

L’arrangement dit « classique élargi » consiste à ajouter des nuitées la semaine où l’enfant ne passe pas le week-end chez le parent non-résident. L’équilibre est alors meilleur même s’il est difficile à tenir. Le père n’est pas cantonné aux loisirs car l’enfant le rencontre durant des jours de semaine, même si ceux-ci restent sous responsabilité essentielle de la mère. Les transitions sont doublées et passent à 4 par quinzaine.  Le ratio de temps est plus équilibré. Si une nuitée est ajoutée, il se monte à 67-33 %. Quand deux nuitées sont ajoutées, mardi et mercredi des semaines impaires, par exemple, le ratio devient 60-40 %. Pour la recherche internationale, la résidence alternée commence avec cette modalité.

La « résidence alternée » consiste, dans les décisions de justice actuelles en France, à une répartition égale, par semaine, sur le temps scolaire et les vacances. L’équilibre de la qualité du temps passé avec chaque parent est en apparence parfait avec un ratio de 50-50. Le nombre de transition est de 2 par quinzaine, le même que dans l’arrangement classique.

Pour la recherche, comme le relève le Huffpost, cette résidence alternée égalitaire est la modalité qui réduit le plus les conséquences négatives de la séparation des parents. Encore faut-il qu’elle soit adaptée car les très jeunes enfants peuvent avoir de la peine à supporter l’alternance par semaine et que gérer une vie déséquilibrée d’une semaine à l’autre est un défi pour les parents.

Pour faciliter les choses, certains parents ont inventé la modalité 2-2-5-5. Les deux mêmes jours de chaque semaine sont à la charge du même parent et ces jours sont accolés à un week-end sur deux. Ainsi, le temps d’absence ne dépasse pas 5 jours et le parent peut suivre une activité de l’enfant (garder les chaussures de rugby dans une seule maison) et mener ses propres activités (aller à la gym, avoir des réunions tard le soir ou des déplacements en semaine). Pour les très jeunes enfants, certains font même de l’alternance 2-2 durant les quelques mois où cela est nécessaire.

Les enfants résident dans les deux maisons

Quelle que soit la modalité choisie ou imposée, depuis que la loi a reconnu la responsabilité partagée des parents dans l’éducation de leurs enfants, les transitions entre les deux résidences existent.

Quand on fait le total, il y autant de transition en résidence alternée que dans l’arrangement classique qui est, à la fois, le plus nocif aux enfants et le plus répandu. Ce n’est donc pas la transition qui pose problème.

Vouloir supprimer ces transitions reviendrait, très concrètement, à supprimer totalement un parent de la vie de l’enfant. Et ce serait le père biologique. Il n’est pas certain que les protagonistes du débat qui ont soutenu cet argument en aient envisagé toutes les conséquences.

La question de la résidence des enfants après séparation sera rediscutée assez rapidement. Souhaitons que les futurs débats prennent en considération le temps concret de la vie de l’enfant après la séparation des parents.