Les bébés peuvent s’attacher à leurs deux parents

Est-ce que les deux parents jouent des rôles importants dans les premières années de la vie des enfants ? Est-ce que la mère n’est pas la seule personne qui compte à ce stade ?

Le droit de l’enfant à construire et maintenir des relations régulières avec chacun de ses deux parents, même après leur séparation est affirmé dans l’article 9 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. Que dit la psychologie de la construction de ces liens ?

Ce sont des questions que nous traiterons lors de la conférence CIRA/ICSP de Strasbourg, les 22 et 23 Novembre 2018.

Nous présentons aujourd’hui les résultats des travaux de Michaël Lamb, psychologue reconnu mondialement pour son expertise.

Dans un texte grand public, Michaël Lamb note que l’on parle beaucoup des relations mère-enfant, alors que l’on a appris, en 40 années de recherche, que les relations père-enfant comptent beaucoup également. Dans ce blog, nous avons montré que ces interactions ont un effet sur la santé psychique, la confiance en soi, et la santé physique des enfants et des adolescents.

Michaël Lamb rappelle que la théorie de l’attachement a été élaborée dans les années 1950 par John Bowlby. Il suggérait que les enfants étaient biologiquement prédisposés à émettre des signaux, des cris et des sourires, auxquels les adultes étaient biologiquement prédisposés à répondre. Quand un adulte répond rapidement et de manière appropriée, l’enfant le perçoit comme étant prévisible et fiable et un attachement sécure de l’enfant à cet adulte se construit.

L’attachement se construit quand les interactions sont fréquentes et de qualité

Les recherches constatent que pour construire cette relation sécure, il faut, d’un côté, du temps, de la régularité, de la fréquence, et de l’autre de la qualité, afin de comprendre le signal du bébé et répondre de manière adaptée.

Michaël Lamb précise alors clairement qu’il n’est pas possible de construire de la qualité sans une certaine quantité mais qu’une grande quantité ne peut pas compenser une pauvre qualité.

De ces recherches, il conclut aussi qu’il n’y a pas de compétition entre l’attachement au père et celui à la mère. Les enfants sont biologiquement prédisposés à construire et à profiter de plusieurs liens d’attachement, dont l’attachement au père.

Il note ainsi que, lors des interactions avec leur bébé, les pères :

  • vivent une modification hormonale semblable à celle des mères.
  • peuvent reconnaître leur enfant les yeux bandés, en touchant leurs mains, après seulement une heure de contact avec le nouveau-né.
  • ajustent leur manière de parler quand ils interagissent avec leur bébé, comme le font les mères.

Les recherches ont tenté de savoir si les mères étaient naturellement plus sensibles et réactives aux enfants que les pères. La conclusion est que le facteur principal qui explique les différences c’est la quantité de temps qui a été passé à interagir avec l’enfant ; d’autres facteurs, comme la santé mentale du parent, peuvent cependant entrer en ligne de compte. Plus le parent est engagé dans le soin au bébé, plus il devient sensible et réactif à ses signaux.

Travailler à plein temps n’empêche pas l’attachement

Il est cependant intéressant de noter que les bébés ne s’attachent pas uniquement aux personnes qui sont en charge de leurs soins mais s’attachent avec celles qui interagissent régulièrement avec eux. Le père ou la mère peuvent travailler à temps plein mais s’engager pleinement dans des interactions avec l’enfant lorsqu’ils sont ensemble et créer ainsi un fort lien d’attachement.

Ces résultats soutiennent les efforts pour mettre en place un meilleur équilibre femmes-hommes dans le travail domestique et professionnel.  Ils vont aussi vers la mise en place d’un congé paternel adapté pour permettre la construction d’un lien solide avec l’enfant, tout en permettant à la mère de récupérer de la grossesse et de ne pas être gênée dans son parcours professionnel.

Ces résultats vont enfin dans le sens de l’alerte que nous portons régulièrement dans ce blog (voir ici ou ici) : l’arrangement dit « classique » dans lequel les enfants ne rencontrent l’un des parents, souvent leur père, qu’un week-end sur deux et la moitié des vacances devrait devenir « exceptionnel ». En effet, cet arrangement rend extrêmement difficile la construction ou le maintien des liens d’attachement avec les deux parents. Nous savons maintenant la dangerosité de cet arrangement pour les enfants et les adolescents.

L’arrangement dit « classique étendu » en offrant une occasion de rencontre toutes les semaines constitue une modalité déjà plus favorable. La résidence alternée égalitaire, quelle qu’en soit la modalité pratique, apparaît comme la modalité la plus profitable au développement des enfants et adolescents.