INSEE : La résidence alternée de plus en plus fréquente

Selon une récente enquête INSEE, la proportion d’enfants de moins de 18 ans en résidence alternée a doublé entre 2010 et 2016. Ils résident la moitié du temps chez chacun de leurs parents, le plus souvent une semaine sur deux.

C’est encourageant car cela montre que les parents séparés portent de plus en plus attention au partage des responsabilités de soin et d’éducation de leurs enfants.

Il demeure que beaucoup trop d’enfants restent privés d’un lien régulier, authentique et continu avec l’un de leurs parents. Des progrès restent donc à gagner !

La lecture des graphiques des résultats de l’enquête peut conduire à de nombreux contre-sens. Nous allons donc commenter ces graphiques.

La proportion d’enfants en résidence alternée a doublé en 8 ans

L’enquête INSEE compte comme enfants alternants ceux qui sont déclarés dans deux foyers fiscaux. Lorsque l’enfant réside en alternance au domicile de chacun de ses parents, la charge de son entretien est, sauf preuve contraire, présumée partagée de manière égale entre eux. Dans ce cas, l’avantage de quotient familial auquel il ouvre droit est également partagé. Ils résident environ la moitié du temps chez chaque parent.

L’enquête indique que « la proportion d’enfants alternants au sens des déclarations fiscales a doublé depuis 2010, pour atteindre 2,7 % des mineurs en 2016. »

L’enquête ne parle pas de la proportion de décisions de justice fixant la résidence alternée. Pour cela, elle se réfère à la dernière enquête du ministère de la justice qui est disponible, qui date de 2012 et qui indique une proportion de 17 % . Ce chiffre est vraisemblablement dépassé aujourd’hui et il serait temps que le ministère de la justice conduise une nouvelle enquête.

Du fait de cette référence à la population totale, les résultats de l’enquête INSEE peuvent tromper facilement si la lecture est inattentive.

On peut se tromper en lisant : « Résider alternativement chez chacun de ses parents est rare parmi les jeunes enfants : en 2016, seuls 0,7 % des enfants de moins de 4 ans sont en résidence alternée. »

On peut facilement croire que les parents de jeunes enfants refusent la résidence alternée. En fait, la comparaison étant faite à la population totale (et non pas à celle des enfants de parents séparés), on doit tenir compte du fait que « les plus jeunes ont moins souvent des parents séparés » donc, la proportion d’enfants en résidence alternée dans la population totale est forcément plus faible.

Les auteurs de l’enquête rajoutent que « les décisions de justice en faveur de la garde alternée sont moins souvent prononcées pour les plus jeunes enfants. » Cependant, ils n’ont aucune preuve fiable pour affirmer cela puisque leur référence est toujours la même étude du ministère de la justice qui date de 2012.

Depuis 2010, la part de résidence alternée augmente tous les ans

L’enquête montre que « pour chacune des années depuis 2010, la part des enfants alternants augmente avec l’âge. » Au total, ils sont 400 000 à vivre en résidence alternée chez leurs deux parents.

Pour chaque tranche d’âge, la proportion d’enfants en résidence alternée égalitaire double également. Ainsi, pour la tranche 0-3 ans, elle passe de 0,3 % de la population totale en 2010 à 0,7 % en 2016. Il en est de même pour les autres tranches.

Cette solution semble profitable aux parents car, comme le note l’enquête INSEE, « une fois mise en place, la résidence alternée est un mode d’organisation assez durable pour la majorité des enfants concernés. 

[Au lycée,] à l’approche de la majorité, les sorties augmentent progressivement d’une année à l’autre, mais restent relativement rares. »

La part de résidence alternée égalitaire double même pour les très jeunes enfants (0-3 ans)

La lecture des figures peut être trompeuse. En effet, la courbe ascendante jusqu’à 8-12 ans et descendante ensuite peut laisser croire à une préférence des parents pour un choix de résidence alternée dans cette tranche d’âge.

Il faut bien comprendre que pour chaque tranche d’âge, le total indiqué est composé de deux éléments. Il représente la somme des enfants qui entrent en résidence alternée car leurs parents se sont séparés PLUS ceux qui étaient déjà en résidence alternée.

La lecture des tableaux est plus simple.

Par exemple, en 2016, pour les enfants 8 ans ce total comprend les enfants en résidence alternée dont les parents viennent de divorcer, PLUS ceux dont les parents avaient divorcé en 2015 lorsqu’ils avaient 7 ans, PLUS sont dont les parents avaient divorcé en 2014 quand ils avaient 6 ans, etc. En revanche, en 2016, pour les enfants de 0-3 ans, il ne peut pas y avoir de cumul. Pour ceux de 4 ans, il n’y a qu’un cumul possible, etc. Du fait ce cumul successif, il est donc normal que la première partie de la courbe soit ascendante.

Alors pourquoi une courbe descendante après 13 ans ?

Comme l’explique l’enquête « les enfants les plus âgés appartiennent à des générations plus anciennes, pour lesquelles la résidence alternée après la séparation des parents était moins souvent mise en place que pour les enfants des générations les plus récentes ». Cependant, l’augmentation de la proportion de jeunes lycéens en résidence alternée est plus forte que celles des autres enfants : entre 2010 et 2016, la proportion de jeunes de 16 ans en résidence alternée passe de 1,5 à 3,5 ce qui représente beaucoup plus du double.

L’allure de la courbe devrait changer dans les années prochaines : l’effet de cumul va jouer pour les tranches 12-18 ans puisque les parents d’aujourd’hui font plus souvent le choix de la résidence alternée égalitaire pour leurs enfants.

La résidence alternée pour rendre les mères plus libres de leurs choix

Une journaliste s’est intéressée à cette enquête. Elle montre dans son reportage que des mères gagnent en liberté et en bien-être lorsque les enfants sont en résidence alternée. En liberté pour travailler. En bien-être en voyant leurs enfants apaisés.

Cette journaliste a interviewé la vice-présidente du CIRA/ICSP. De cet entretien, elle a retenu ce passage, à propos du bénéfice que des femmes peuvent tirer de la résidence alternée. Son reportage est disponible en ligne.

Encore trop d’enfants désavantagés par la modalité dite « classique »

Cependant, selon le ministère de la Justice, 200 000 enfants par an sont concernés par la séparation de leurs parents et vivent uniquement chez leur mère dans 73 % des cas. Toujours selon ces données, qui datent de 2012, plus de la moitié de ces enfants ne rencontrent leur père que 2 jours par quinzaine.

De nombreux enfants vivent donc encore sous des modalités dans lesquelles ils ne rencontrent pas suffisamment l’un des parents. Ces enfants sont désavantagés sur les plans de la confiance en soi, de la santé, de la résistance aux addictions et de la réussite scolaire par rapport à leurs camarades dont les parents ont choisi la résidence alternée.

C’est pour cette raison que nous avons participé à l’enquête du CESE qui a suivi le mouvement des gilets jaunes. Nous avons soutenu et commenté la contribution « Établir la présomption de résidence alternée pour les enfants lors des séparations. » Cette contribution est arrivée n°5 de la catégorie Inégalités Sociales. Ce score montre l’intérêt de la question sur le plan social et politique et en termes de développement des droits de l’enfant.

Cette réforme ne sera vraisemblablement pas discutée durant le grand débat national que l’enquête du CESE préfigurait.

Il reste donc encore à modifier la loi de la famille.

Comme l’a montré William Fabricius lors de son intervention vidéo à la 4° conférence du CIRA/ICSP à Strasbourg, la formulation de la loi en Arizona est favorable au développement d’une meilleure répartition entre les deux parents des responsabilités de soin et d’éducation des enfants après séparation.

Cette loi devrait inspirer les légistes d’autres pays.