Être père, aujourd’hui : ça bouscule !

Nous poursuivons le billet de la semaine dernière à propos du Téléphone Sonne de France Inter avec comme invité Serge Hefez, psychiatre, psychanalyste et responsable de l’unité de thérapie familiale à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, à l’occasion de l’enquête « Être père aujourd’hui » conduite par l’UNAF.

Une auditricepapapoule, qui se moque gentiment de l’émission dans laquelle il n’y a pas de femmes pour parler de la maternité, témoigne que les mères sont toujours sollicitées comme responsables des enfants. Selon elle, la médecine, l’école, tout le monde s’adresse toujours d’abord à la mère lorsque l’enfant à un souci. Elle trouve que la mère est souvent rappelée à l’ordre, surtout quand elle débute dans son rôle de mère. C’est toujours sur la mère que cela retombe quand le bébé pleure dans le bus, quand il est en retard à la crèche, quand il y a un problème à l’école. Pour elle, le père est toujours félicité dès qu’il s’occupe un tant soit peu de ses enfants. Du coup, elle aimerait bien être père de temps en temps, pour bénéficier un peu de ces avantages.

Les pères ne sont jamais à la bonne place

Pour Serge Hefez, on a reproché beaucoup de choses aux femmes mais les choses ont changé.

Aujourd’hui, les pères sont la cible, ce sont eux que l’on culpabilise. Ils ne sont jamais à la bonne place : trop autoritaires ou pas assez, trop présents ou trop absents, ils imitent les mères ou ils sont de grands enfants.

L’enquête de l’UNAF est un exemple malheureux, certainement involontaire, de cette déconsidération des pères tels qu’ils sont. Les enquêtés sont bénéficiaires des allocations familiales : de ce fait, 95% des pères interrogés vivent en couple et seuls 5% sont divorcés, ceux qui ont la résidence pleine. Les pères en résidence alternée ne semblent pas avoir été interrogés, même s’ils bénéficient d’une part des prestations. Plus important, les pères qui n’ont pas la résidence de leur enfant n’ont pas été interrogés. Dans ces conditions, comment parler du rôle éducatif des pères en oubliant tous ceux qui vivent séparés de leurs enfants ?

Serge Hefez attire l’attention sur le danger, pour les couples et les enfants, de ce regard social très critique sur les pères.

Nous retrouvons dans cette mise en garde celle de la psychanalyste Christiane Olivier dont nous avons parlé dans notre billet du 30 mars 2016. Quand on compare les pères aux mères, dans l’éducation des enfants, ils sont toujours perdants : si les pères agissent différemment des mères, alors leurs compétences ne sont pas reconnues, mais si les pères agissent comme les mères, alors ils sont qualifiés de « maternants ». Ce qui n’est pas très positif et même un peu condescendant. C’est comme quand on dit d’une femme dynamique que c’est un vrai garçon manqué.

Les parents restent toujours les parents, même séparés

Il serait temps, appelle la psychanalyste, de reconnaître que les pères sont paternants ! Ils ont un rôle spécifique dans l’éducation des enfants, plus du côté de l’exploration que de la sécurité, disait-elle dans les années 1990.

Aujourd’hui, ces rôles mêmes peuvent être inversés au sein des couples : la mère dans l’exploration et le père dans la sécurité, selon les occasions et les moments. Dans notre monde fluide et changeant, les hommes et les femmes ont à inventer des nouvelles manières de se compléter en tant que parents ! C’est passionnant !

L’important pour l’enfant est de bénéficier de ces deux fonctions parentales. Le risque c’est de n’en avoir qu’une seule et d’être coupé de l’autre. Même séparés les parents restent toujours les parents et la société et la justice doivent s’efforcer d’en tenir compte.