Les droits de l’enfant au centre des questions de résidence

Lors de son intervention au CESE à propos des conséquences sur les enfants de la séparation des parents, la Défenseure des enfants, madame Geneviève Avenard, a mentionné plusieurs études et rapports produits par cette institution depuis 2008.

DdE_2008.JPGNous avons repris le rapport de 2008 portant sur l’enfant au cœur des séparations parentales conflictuelles. Certains passages sont dépassés, notamment du fait de l’avancée des recherches sur la résidence alternée, mais d’autres restent très actuels, notamment en ce qui concerne la coparentalité et les relations de l’enfant à ses deux parents.

L’idée de couple parental est source de malentendus

On entend souvent parler de couple parental qui survivrait au couple conjugal, après la rupture. Le rapport note que cette expression « couple parental » n’est pas inscrite dans la loi de 2002 ou les suivantes. Dans la loi, on parle de coparentalité. Cette expression a remplacé, successivement, l’idée de puissance paternelle, d’autorité parentale, puis d’exercice en commun de l’autorité parentale.

La fonction parentale est donc définie comme étant la coparentalité. Pour faire comprendre cette notion complexe, a été utilisée l’expression de couple parental. Mais, au final, cette expression génère des malentendus puisque le couple a disparu lors de la rupture.

Le ressenti des familles, c’est que le couple n’existe plus mais que les professionnels de la famille tentent de le faire perdurer à travers l’idée de couple parental. Cela crée des malentendus qui ont des conséquences sur les parents comme sur l’enfant.

La coparentalité, indique ce rapport de 2008, « implique que les parents doivent se maintenir dans une « cogestion » de la vie de l’enfant et que chacun d’eux en est responsable à part égale, même si l’un d’eux ne réside pas avec les enfants. »

Le terme de couple parental est donc inapproprié pour décrire la coparentalité.

Mieux définir et soutenir la coparentalité

L’article 373-2 du code civil stipule que « chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent. » D’une façon générale, le juge aux affaires familiales est garant du maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents. Ainsi, lorsque surgissent des difficultés, il peut « prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents »

Selon le rapport, le maintien et le développement de ces relations doivent correspondre à l’intérêt supérieur de l’enfant et prendre en compte les droits de chaque parent. Ces relations peuvent « se matérialiser de différentes façons, et avec souplesse. » Il peut s’agir du séjour de l’enfant chez le parent dont il est séparé ou de rencontres. Il peut s’agir de toutes formes de communication entre l’enfant et ce parent (téléphone, correspondance, internet) ou de toute communication d’informations au sujet de l’enfant à ce parent, ou inversement (photos, informations sur la scolarité, santé, vacances…).

Pour notre part, nous trouvons cette formulation très ambigüe. Comme le texte est général, il embrasse toutes les situations envisageables mais dans le même temps, il met au même niveau le séjour chez le parent non-résident et sa simple rencontre, la communication avec l’enfant et la simple information du parent non-résident. Ici encore, il faudrait utiliser des formulations plus adaptées en séparant le cas général, dans lequel les deux parents décident ensemble des choix importants pour le bienêtre de l’enfant et dans lequel cet enfant peut séjourner chez ces deux parents de manière équilibrée.

Déjà en 2008, la Défenseure des enfants note que les devoirs issus du principe de coparentalité sont mal connus de nombreux parents.

En 2014, le groupe de travail sur la coparentalité fait le même constat. Le groupe précise que « l’exercice conjoint de l’autorité parentale implique que les parents ont les mêmes droits et devoirs à l’égard de l’enfant et qu’ils doivent notamment prendre ensemble les décisions importantes concernant la santé, l’orientation scolaire, l’éducation religieuse et le changement de résidence de l’enfant ; s’informer réciproquement, dans le souci d’une indispensable communication entre les parents, sur l’organisation de la vie des enfants (vie scolaire, sportive, culturelle, traitements médicaux, loisirs, vacances …) ; permettre les échanges entre les enfants et l’autre parent dans le respect de vie de chacun. »

Le groupe observe cependant que « la présomption d’accord visée à l’article 372-2 du code civil peut donner lieu à des interprétations erronées.

Cette disposition est en effet souvent interprétée comme donnant la possibilité à l’un des parents d’agir seul, sans concertation avec l’autre parent, pour les actes usuels, alors même que la présomption d’accord, qui est prévue pour faciliter les relations à l’égard des tiers, ne dispense nullement les parents d’une concertation et d’un accord, même pour les actes usuels.

Il arrive ainsi souvent que le parent qui vit avec l’enfant prenne des décisions seul et en avise a posteriori l’autre parent qui est ainsi mis devant le fait accompli. S’il souhaite contester cette décision, ce dernier doit alors saisir le juge. Une telle situation est source de tensions et d’une multiplication des procédures entre les parents, et à terme, est contraire à l’intérêt de l’enfant. »

Le groupe de travail appelle à modifier le code civil pour mieux définir la coparentalité et mieux distinguer les notions d’actes usuels et importants. Il faudrait également mieux informer les parents, à travers le livret de famille, de leur devoir de coparentalité.

En 2017, le même souci d’information des parents se retrouve dans l’avis du CESE.

Placer le bienêtre et le développement de l’enfant au cœur du principe de coparentalité

En 2008, le rapport de la Défenseure des enfants préconise de « de créer dans le code civil un véritable droit de l’enfant à entretenir des relations régulières avec chacun de ses parents lorsqu’ils sont séparés. » Cet article viendrait compléter l’article 371-4 du code civil qui stipule que « l’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. ».

En 2017, encore une fois, l’avis du CESE va dans le même sens lorsqu’il énonce que « la préservation des liens avec chaque parent est essentielle dans l’intérêt de l’enfant. »

En 2018, ce principe de préservation des liens de l’enfant aux deux parents devrait se retrouver au cœur de la nouvelle loi à discuter.

Concrètement, cela revient à :

  • Limiter le recours à l’arrangement dit « classique » dans lequel l’enfant ne rencontre un de ses parents que deux jours par quinzaine. Cette modalité « un week-end sur deux » est contraire à tous les constats et les souhaits des rapports et avis que nous venons de citer. Cela donnerait plus de place à la modalité « classique élargie » qui marque le début de la résidence alternée dans les recherches internationales.
  • Demander aux parents de s’entendre sur des plans de coparentalité. Ces plans, préconisés dans l’avis du CESE, permettent de détailler comment les parents prennent des décisions et communiquent. C’est l’occasion de définir comment et quand le plan sera modifié, en fonction de la vie de l’enfant. C’est aussi l’occasion de préciser la place des tiers, ascendants ou beaux-parents.

Quand les parents ont du mal à s’entendre pour exercer la coparentalité, la médiation familiale devrait les aider à construire ce plan de coparentalité en visant le bienêtre et le développement de l’enfant.