Le CIRA en Suisse, avec les associations de coparentalité

Samedi dernier à Lausanne se tenait l’assemblée annuelle du mouvement de la condition paternelle Vaud. Un débat a rassemblé des chercheurs, des juges, des psychologues et l’association suisse pour la coparentalité. Dans la salle 90 personnes environ, hommes et femmes, ont débattu ou fait part de leurs difficultés.

Parmi les intervenants, on comptait les deux vice-présidents du CIRA/ICSP : Chantal Clot-Grangeat représente les professionnels et Oliver Hunziker, la société civile.

La première est psychologue, thérapeute, docteure en psychologie. Le second est président de l’association suisse pour la coparentalité (GeCoBi).

Une intéressante soirée dont voici les premiers points forts.

Créer un observatoire des familles en rupture

Deux sociologues ont présenté un panorama de la situation dans le canton de Vaud (Lausanne) et au niveau international. Il en ressort que, au niveau très local, la situation des familles séparées et les conditions de vie des enfants sont assez mal connues. Or, les collectivités publiques et privées sont de plus en plus sollicitées par la question de la complexité familiale qui découle des séparations et divorces. Celles-ci ont besoin d’informations précises pour faire face aux changements qui affectent les familles. D’où le projet de création d’un Observatoire des familles en rupture conduit en collaboration entre l’université de Lausanne, des autorités cantonales et la Ville de Lausanne.

Cette collaboration entre la recherche et les pouvoirs publics autour des conditions de vie des familles après séparation pourrait être répliquée en France. Vu la rapidité de changement des modes de vie familiaux, ces recherches aideraient à adapter la législation au mode de vie réel des personnes.

Des juges concernés par les changements sociétaux

Deux juges ont présenté le cadre légal fédéral suisse et le fonctionnement de la justice familiale cantonale. Le tribunal fédéral fonctionne un peu comme une cour de cassation française. La résidence des enfants y est une question brûlante qui conduit souvent à des désaccords entre les juges. De ce fait, ils sont obligés à tenir des séances publiques, qui permettent d’avoir accès à leurs positions. Le juge cantonal est au contact de la réalité des familles. Comme il ne peut pas tout faire dans l’enquête nécessaire à sa décision, les séparations étant une petite partie de son activité générale, il prend l’avis d’experts du domaine.

Les critères des juges suisses ressemblent à ce que l’on retrouve ailleurs. Ils s’appuient sur le meilleur intérêt de l’enfant sans que cette notion soit bien définie. Leurs critères sont alors ceux du niveau des ressources des parents (il est pensé que la résidence alternée est plus coûteuse que la garde pleine), la proximité de leurs lieux de résidence, et surtout les horaires de travail (les crèches étant peu développées en Suisse). Le conflit des parents leur pose aussi de grands problèmes et ils tendent à refuser la résidence alternée en cas de désaccord grave. Du fait de tous ces arguments, plus ou moins fiables, les décisions de résidence alternée sont plutôt réduites.

Les deux juges sont néanmoins très ouverts au changement. Ils constatent que de plus en plus de mères veulent garder leur emploi après la naissance de leur enfant. En cas de séparation, elles demandent la résidence alternée. Comme elles, les pères subissent souvent la pression des horaires au travail et le juge se trouve alors devant un dilemme : le critère de disponibilité n’existe plus. La tendance serait alors à proposer des arrangements de résidence sur des demi-semaines de manière à préserver la vie familiale et l’engagement professionnel.

L’arrangement 2-2-5-5 que mettent en place certains parents est donc ici remplacé par un arrangement 3,5-3,5. Il faudrait plus de détails sur le nombre de familles réellement concernées et sur le devenir des enfants dans ces arrangements.

Ces juges mettent aussi en avant le fait que l’arrangement ne peut pas être décidé à vie. Il y a des étapes qui nécessitent des révisions. Les adolescents remettraient ainsi souvent en cause le mode de résidence mais pour des raisons qui ne sont pas toujours à accepter telles quelles.

La conclusion est que la loi est toujours en retard sur l’évolution des modes de vie. L’enjeu est de faire en sorte que cet écart ne soit pas durablement nuisible aux parents et aux enfants.

La séparation bouscule les idées reçues

Au final, il s’agit d’une soirée très intéressante qui permet les échanges entre différents acteurs qui ne se rencontrent pas toujours sereinement. Tous ici ont essayé de réagir au mieux aux changements des modes de vie et d’éducation qui, de toutes manières, bousculent les habitudes et les idées reçues (voir nos billets des 6 et 13 juillet 2016).

Bien évidemment, la soirée s’est terminée autour de quelques verres apéritifs et conviviaux.

Nous présenterons la semaine prochaine les interventions des deux vice-président du CIRA/ICSP.