Après la séparation, les enfants restent à la maison ou pas ?

Dans un précédent post, nous avons parlé de la chambre des enfants chez chacun de leurs parents après la séparation. Cette chambre est active ou en veille, selon les semaines ou selon les week-ends, mais elle est toujours vivante, jamais utilisée comme débarras, rarement fermée. Et si au lieu de faire se déplacer les enfants d’une maison à l’autre, c’était les parents qui changeaient de résidence ? Cette idée qui peut paraitre saugrenue est reprise par la commission des parlementaires du conseil européen, en commentaire du rapport sur l’égalité et la coresponsabilité parentale dont nous avons déjà parlé. Et si c’était une bonne idée ?

Les parents partagent la maison en alternance avec les enfants

Cette idée renverse les pratiques habituelles : l’enfant continue de vivre dans la maison familiale, et ce sont les parents qui la partagent en alternance avec l’enfant. Elle est défendue par M. Stefan SCHENNACH, député autrichien à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe. On peut la lire dans l’avis de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable sur la résidence alternée. Pour cette commission parlementaire, « cette solution est probablement la plus adaptée pour protéger l’intérêt supérieur de l’enfant, étant donné qu’elle combine tous les avantages de la résidence alternée paritaire, sans l’inconvénient que l’enfant perde sa maison et soit obligé de faire des allers-retours entre les domiciles de ses parents. »

Les conséquences pratiques de cet arrangement ne sont pas abordées par les députés mais nous pouvons les deviner. La première, c’est que les enfants conservent toutes leurs habitudes d’avant la séparation : la chambre, les doudous, les jouets, les vêtements, le trajet pour l’école et les loisirs, etc. La seconde, c’est que les parents conservent tous les équipements communs : le lave-vaisselle, le frigo, la salle-de-bains, les armoires à vêtements, l’aspirateur, etc. La troisième c’est qu’ils trouvent, louent ou achètent chacun un logement pas trop loin de l’ex-domicile familial. Il doit y avoir d’autres conséquences mais arrêtons-nous ici, les lecteurs de ce post pourront inventer les autres.

Les conséquences de cet arrangement pourraient aggraver les difficultés du couple nouvellement séparé

Si ces personnes se sont séparées, c’est qu’elles sont en conflit, ou au moins en désaccord. De fait, elles sont arrivées à un tel point de divergence qu’elles ont pris la décision de se séparer, malgré leur envie de continuer à éduquer leurs enfants. Ces divergences, nous le savons tous prennent naissance dans le quotidien.

Nous pouvons alors nous demander s’il est prudent de leur demander de continuer à partager le même frigidaire, le même canapé, le même tube de dentifrice. En bref, est-il sage de maintenir toutes ces sources de petits conflits quotidiens qui ont vraisemblablement nourri les ressentiments entre eux ? Il faut se demander s’il est souhaitable d’exposer les enfants aux sempiternels reproches mesquins des adultes : Ah, le dentifrice de ta mère qui traine encore ! Ah, ton père et ses chaussures qui bloquent les placards !

Plus sérieusement, c’est une solution qui coute cher. Dans les grandes villes, mais ailleurs aussi, comment trouver trois logements relativement proches et comment les payer ? Même si cela est possible, les enfants comme les parents auront à subir une baisse de revenus importants. Les parents pourraient se faire héberger, chez des amis ou dans leur famille. Dans ce cas, les enfants auraient à assumer une sorte de régression de leurs parents qui se retrouveraient comme des jeunes adultes ayant du mal à s’installer dans la vie. Ce ne doit pas être très souhaitable.

Plus vraisemblablement encore, cet arrangement ne prend pas en compte le cas des parents qui se séparent parce que l’un d’eux à rencontrer une autre personne. Dans la vie d’aujourd’hui, les couples se composent et se recomposent. Il faudrait alors que le beau-père ou la belle-mère se déplace dans la maison commune. Cette cohabitation risque bien d’attiser la rancune chez l’autre parent. Devons-nous prendre le risque d’exposer les enfants à de petites remarques acerbes suscitées par une brosse à cheveux ou une bouteille de bière mal rangés ? Ici encore, derrière une bonne idée de départ, il faut détailler les conditions de mise en œuvre.

Le casse-tête des familles recomposées

Il est possible que le père ou la mère rebâtisse un couple avec une personne qui a déjà des enfants. Dans ce cas, comment partagent-ils les logements pour que les enfants ne se déplacent jamais ? Sauf exception, il sera impossible de trouver deux fois trois logements suffisamment proches ! Il sera aussi impossible de ne pas faire circuler une partie des enfants.

Bref, cette solution alléchante pourrait se retourner contre les enfants eux-mêmes.