Le gouvernement belge veut améliorer encore la résidence alternée égalitaire

Jeudi dernier nous avons été invités par le journal Filiatio à rencontrer un des directeurs-adjoints du cabinet du ministre belge de la justice. Le ministère étudie la possibilité d’améliorer encore la mise en place de la résidence alternée égalitaire, même si la loi belge est déjà parmi les plus favorables au bienêtre de l’enfant. Commençons par présenter cette loi.

Divorce belge

La loi belge de 2006 tend à privilégier l’hébergement égalitaire de l’enfant dont les parents sont séparés et règlemente l’exécution forcée en matière d’hébergement de l’enfant, précise le journal Filiatio dans son numéro spécial anniversaire de la loi.

Dans son article 2, cette loi stipule que si les parents ne sont pas d’accord sur un mode d’hébergement et qu’ils saisissent le tribunal de leur litige, alors « le tribunal examine prioritairement, à la demande d’un des parents au moins, la possibilité de fixer l’hébergement de l’enfant de manière égalitaire chez les deux parents. » Le tribunal peut cependant décider d’un hébergement non-égalitaire à condition de statuer « par un jugement spécialement motivé, en tenant compte des circonstances concrètes » dans l’intérêt de l’enfant et des parents.

L’exposé des motifs de la loi indique qu’elle vise à favoriser l’entente entre les parents et à éviter que le père soit un parent « au rabais », qui ne verrait ses enfants que quatre jours par mois. Il précise également que « ce ne sera plus le parent qui sollicite l’hébergement égalitaire qui devra démontrer la pertinence de celui-ci. »

L’hébergement égalitaire s’est-il développé ?

Il n’y a malheureusement pas de statistiques disponibles en Belgique sur la fréquence de la résidence alternée égalitaire. Le journal de la Ligue Bruxelloise Francophone pour la Santé Mentale (LBFSM) rapporte une étude qui montre qu’en 2010, il y avait près de 18% d’hébergement égalitaire ou quasi-égalitaire à Bruxelles et Charleroi.

Dans son numéro de mardi dernier, La Libre Belgique rapporte qu’« une équipe de chercheurs de l’Université de Liège avait déjà constaté, il y a 5 ans, que des papas osaient désormais demander la garde alternée qu’ils ne pensaient pas pouvoir obtenir facilement avant l’instauration de cette loi de 2006. » C’est ce que constate également la LBFSM dans une étude portant sur 547 dossiers concernant des jugements où le père est demandeur de l’hébergement égalitaire. Il en ressort que dans 47% des cas, le père obtient la résidence alternée égalitaire pour ses enfants et dans 15% des cas un arrangement 5-9 qui correspond à 35% de temps avec un des parents. Ce temps correspond à la limite inférieure en dessous de laquelle les recherches montrent que la plupart des enfants souffrent du manque de relations avec un des parents. En France, ce seuil correspond à la formule dite « étendue » permettant aux enfants de rencontrer le « parent non-résident » pendant un week-end sur deux, plus un jour et la moitié des vacances scolaires.

Pourquoi améliorer la loi ?

Des chercheurs, des professionnels, des associations et des citoyens belges ont fait part des points faibles de la loi.

Le fait de laisser la charge de la preuve au parent qui ne veut pas la résidence alternée conduit les avocats à surenchérir et à augmenter les désaccords entre les parents. De trop nombreux juges en déduisent un conflit grave entre les parents et déclarent ainsi l’hébergement égalitaire impossible.

De la même manière, en faisant référence à des propos pseudo-scientifiques, souvent portés par des pédopsychiatres français trop médiatisés, les juges pensent que les enfants avant 6 ans ne pourraient pas profiter de l’hébergement égalitaire chez leurs deux parents. Les recherches internationales montrent que cette limite n’a pas de fondements scientifiques et que des solutions de résidence alternée avant 3 ans sont bénéfiques aux enfants.

Ces attitudes sont contraires à la loi belge. D’une part un arrêté de cour d’appel de Liège stipule clairement que le conflit des parents ne peut conduire l’enfant à être coupé de sa mère ou de son père. D’autre part, le juge doit statuer en fonction du cas spécifique et non de généralités.

Quelles propositions d’amélioration ?

Il apparait que la résidence égalitaire peut effrayer certains parents, la mère ou le père. Il apparait aussi qu’un parent qui se trouve sans aucune perspective suite à un jugement ne peut pas facilement construire des relations équilibrées avec ses enfants.

Selon nous, l’amélioration de la loi pourrait passer par le fait de marquer une sorte de progressivité.

D’abord, les décisions d’arrangement en dessous de 35% devraient être justifiées par des raisons concrètes et spécifiques aux enfants concernés. On peut aussi envisager que ces décisions relèvent d’un collectif de manière à ce que le juge ne soit pas isolé dans sa prise de décision. Il pourrait demander un rapport à un réseau de professionnels formés à ces questions.

Ensuite, un jugement pris à un âge donné serait annoncé comme devant être rediscuté pour tenir compte des étapes de l’éducation : l’entrée à l’école primaire ou au collège, l’adolescence, par exemple. Ainsi le parent qui ne verrait pas suffisamment ses enfants pourrait avoir un horizon fixé par la justice. Il ne serait pas obligé de chercher des faits nouveaux permettant de faire appel du premier jugement.

Enfin, un plan parental pourrait fixer les responsabilités de chaque parent sur une année. En plaçant des repères suffisamment à l’avance, les frottements entre les parents seraient réduits et les enfants en seraient les bénéficiaires.

Les procédures judiciaires seraient apaisées et le recours à la justice réduit. Il s’agirait que les deux parents reçoivent une quantité de temps significative avec leurs enfants pour construire avec eux un lien qualitatif assurant le bienêtre de leurs enfants.