Aliénation parentale : situation délicate pour les professionnels de la famille

Nous continuons le billet de la semaine dernière. Pour les psychiatres et psychologues cités dans l’article de Sciences Humaines du mois de mai 2016, le parent qui manipule son enfant pour l’aliéner de l’autre parent a souvent une personnalité fragile. Sa campagne de dénigrement de l’ex-conjoint et sa volonté de garder exclusivement les enfants serait une lutte contre sa propre dépression.

lonely_MPour ces parents aliénants, expliquent ces spécialistes, l’enfant est un prolongement de soi, c’est leur signe de réussite sociale. Ces personnes vivent dans un chaos émotionnel construit sur la haine et la jalousie. Elles passent toute leur énergie à envenimer les relations et à créer des situations de blocage.

La revue Psychologie de décembre 2015 publie des conseils au parent sain victime d’un parent manipulateur : d’un côté, se défendre et éviter de se justifier maladroitement et de l‘autre côté, se centrer, bien se positionner pour sortir de l’emprise. En bref, ce parent doit montrer aux enfants que l’on peut être gentil et fort en même temps, que l’on n’est pas un paillasson sur lequel l’autre peut s’essuyer les pieds. C’est difficile à réussir seul, donc ne pas rester isolé.

Distinguer conflit des parents et défense des enfants face à la manipulation

Les professionnels des affaires familiales devraient être capables de ne pas assimiler ces situations délétères à un conflit entre les deux parents ; ce que nous avons montré dans notre billet du 9 mars 2016.

L’article de Sciences Humaines n’évite pas toujours ce travers difficile. En effet, le journaliste propose, pour sortir de ces blocages, de créer des lieux neutres où l’enfant puisse « se décharger du poids du conflit de ses parents » et une « thérapie familiale » qui peut également apaiser le conflit.

Or il n’y a plus de « famille » même s’il reste deux parents et il n’y a pas forcément de « conflit parental ».

En effet, reprenons le raisonnement du début de l’article de Marc Olano dont nous avons parlé la semaine dernière, raisonnement qui semble juste. Il est dit que la situation est bloquée du fait de la personnalité fragile d’un des parents qui manipule les enfants afin d’exclure de leur vie l’autre parent. Que ce dernier se défende et défende ses enfants, cela paraît normal et non nécessairement conflictuel.

Ces erreurs de raisonnement sont nuisibles au parent sain, souvent celui qui n’a pas la résidence pleine. Ce parent est alors montré du doigt et accusé de ne rien faire pour le bienêtre des enfants.

La revue Psychologie, de son côté, précise clairement que la médiation familiale n’est pas recommandée dans ces situations de manipulation et d’aliénation parentale. Celle-ci obtient de bons résultats quand les deux parents sont coopératifs.

Les professionnels devraient s’efforcer de mettre en place des cadres pour faire respecter la coparentalité au quotidien.

Le dossier de Sciences Humaines fait référence à des pratiques qui fonctionnent chez nos voisins, notamment en Allemagne et en Belgique, avec des résultats intéressants. Il propose de mettre autour de la table tous les intervenants impliqués – avocats, spécialistes, travailleurs sociaux – pour trouver une solution consensuelle. L’objectif n’est plus d’accuser l’autre pour gagner. L’objectif est de construire un projet en commun dans l’intérêt de l’enfant.

Pourrait-on tenter de tels dispositifs en France ?